L’origine de l’eau : était-elle déjà présente lors de la formation de la Terre ?

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le  16 juillet 2025
La Terre s’est formée par l’agglomération de petits grains de poussière dans le disque de matière qui entourait le jeune Soleil, appelé Nébuleuse Proto Planétaire. Ces grains étaient enveloppés de glace d’eau, dont une partie est restée emprisonnée dans l
La Terre s’est formée par l’agglomération de petits grains de poussière dans le disque de matière qui entourait le jeune Soleil, appelé Nébuleuse Proto Planétaire. Ces grains étaient enveloppés de glace d’eau, dont une partie est restée emprisonnée dans les roches qui ont fini par former la Terre. L’eau que nous buvons aujourd’hui provient donc de cette glace primordiale.
L’eau est essentielle à la vie sur Terre. Toutefois, l’origine de l’eau sur Terre est une question ouverte qui suscite un débat scientifique très animé. Dans une nouvelle étude, basée sur des simulations numériques de chimie quantique et un modèle du Système Solaire primitif, les scientifiques de l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (IPAG/OSUG - CNRS/UGA) montrent que la majeure partie de l’eau aurait pu être apportée très tôt dans l’histoire du Système Solaire, et être présente dès la formation de la Terre, contrairement à ce qui est généralement accepté.
On sait que l’eau que nous buvons aujourd’hui s’est formée bien avant la Terre, alors que le Système Solaire n’était qu’un nuage de gaz et de poussières : la Nébuleuse Proto-Solaire. Dans cette nébuleuse, l’eau existait soit sous forme de vapeur, soit gelée sur de petits grains de poussière, qui ont ensuite progressivement coagulé pour former la Terre. Cependant, selon les modèles actuels, la température au niveau de l’orbite terrestre aurait été trop élevée pour permettre à ces grains de conserver leur glace. Cela nécessiterait donc un apport en eau provenant de régions plus froides, c’est-à-dire plus éloignées du Soleil, pendant ou après la formation de la Terre.

Ces modèles se basent sur l’hypothèse que toute la glace sur les grains se sublime d’un coup, lorsque la température de sublimation est franchie. Or, de nouveaux calculs de chimie quantique ont révélé que les molécules d’eau peuvent se lier à la surface des grains de différentes façons, avec de multiples « énergies de liaison ». Cela implique que la sublimation de la glace ne se produit pas à une température unique, avec une transition brutale, mais s’étale sur une zone étendue de températures.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont appliqué ce concept à un modèle de la Nébuleuse Proto-Solaire. Ils ont ensuite comparé la proportion d’eau qui reste attachée sur les grains avec la proportion d’eau sur Terre, ainsi que les proportions d’eau dans les météorites qui sont considérés comme des témoins du Système Solaire primordial. Dans tous les cas considérés, on trouve un accord entre les prédictions et les observations.

Proportion d’eau (en masse) en fonction de la distance au Soleil : Comparaison de notre modèle avec la proportion d’eau estimée sur Terre et les teneurs en eau mesurées dans différents types de météorites à leur position de formation supposée.
Fig. Proportion d’eau (en masse) en fonction de la distance au Soleil : Comparaison de notre modèle avec la proportion d’eau estimée sur Terre et les teneurs en eau mesurées dans différents types de météorites à leur position de formation supposée. Le modèle représente ici par les courbes bleues la proportion de glace restante sur les grains de poussière en fonction de la distance au Soleil, où nous avons fait varier la température au niveau de l’orbite terrestre (T1AU = 145, 180, 200 ou 300 K) pour chaque courbe. Pour la teneur en eau de la Terre et des météorites (en particulier les « chondrites » : NC = chondrites non carbonées, CC = chondrites carbonées), les barres verticales représentent l’intervalle de mesures de la littérature, la croix étant la valeur médiane. Les ellipses correspondent à l’incertitude sur la position de formation de ces objets. Est également représentée la teneur en eau estimée de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko.

L'étude démontre ainsi que de la glace d’eau aurait pu survivre sur des grains de poussière malgré les températures élevées à l’orbite terrestre. Bien que partiellement déshydratés, ces grains auraient tout de même retenu suffisamment d’eau pour expliquer l’abondance actuelle sur Terre.

Ces travaux, qui font l'objet d'une publication dans The Astrophysical Journal Letters, suggèrent donc un changement majeur de paradigme : l’eau de notre planète n’aurait pas besoin d’un apport lointain, par exemple des comètes, mais elle pourrait bien être le fruit d’un héritage local.

Publié le  15 juillet 2025
Mis à jour le  16 juillet 2025