Découvrez son interview à l’occasion de sa prise de fonction le 1er février 2025 par l’Association des Diplômés de Sciences Po Grenoble - UGA.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous porter candidat à la direction de Sciences Po Grenoble - UGA ?
Simon PERSICO - Ma décision est le fruit d’une réflexion personnelle qui est vite devenue collective, avec la volonté d’inscrire cette mandature dans la longue et riche histoire de notre Institut. Je tiens d’ailleurs à remercier Sabine Saurugger et toute son équipe pour leur engagement sans faille qui a mené à de riches avancées. Je voudrais aussi profiter de cette interview pour remercier l’équipe diverse et compétente qui va m’accompagner pour les cinq années à venir !
Depuis que j’ai rejoint Sciences Po Grenoble en tant que Professeur des universités en 2017, et même bien avant, lorsque j’ai eu la chance d’y être étudiant entre 2003 et 2007, j’ai développé un profond attachement à cette école. C’est un lieu d’excellence académique et d’innovation sociale, porté par une communauté humaine très riche. On y trouve des enseignantes et des enseignants aux prises avec le réel, des chercheuses et des chercheurs de renommée internationale, un personnel dévoué, et des étudiantes et des étudiants brillants et engagés.
Notre IEP, comme de nombreux établissements du supérieur, vit au rythme des soubresauts de la société. Et ceux-ci ne manquent pas : le monde est entré dans une période de turbulences, entre la recrudescence des guerres, l’accélération de la crise socio-écologique et les menaces sur les démocraties. Diriger un tel établissement dans une telle période, c’est donc à la fois un honneur et une grande responsabilité.
Quelles sont les priorités de votre projet ?
Simon PERSICO - Mon projet repose sur trois grandes priorités.
La première est de concentrer nos ressources sur ce qui fait la vocation de Sciences Po Grenoble - UGA : une formation et une recherche au service de la société. Cela implique de clarifier notre offre pédagogique pour gagner en qualité et en robustesse. L’IEP doit être un lieu où l’on pense un avenir soutenable, un lieu où des étudiantes et étudiants de diverses origines apprennent à être utiles aux mondes dans lesquels ils vivront et travailleront. Le diplôme de l’IEP permet d’accéder à des fonctions de direction dans diverses structures et dans différents territoires, ainsi qu’à des activités importantes pour la société. Cela confère à nos étudiantes et étudiants - et nous confère - une responsabilité particulière.
La deuxième priorité est de renforcer la confiance et de démocratiser nos processus de décision, pour apaiser, grâce à une démocratie vivante, les conflits qui ont touché notre établissement.
La troisième priorité découle des deux premières. Il s’agit de renforcer la visibilité de l’IEP, tant au niveau local que national et international.
Pourquoi l’idée de démocratiser les décisions est-elle centrale dans votre projet ?
Simon PERSICO - D’abord, parce qu’une organisation est plus efficace, sereine et robuste quand elle fonctionne de manière démocratique. Nombreux sont les travaux scientifiques qui le montrent, en commençant par ceux de la prix Nobel Elinor Ostrom. Cela vaut pour le monde du travail, le monde éducatif, et donc pour une Grande École comme la nôtre. Ensuite, je suis convaincu qu’une des solutions contre l’affaissement démocratique dont nous sommes témoins – que documentent les enquêtes menées par les membres des laboratoires associés à Sciences Po Grenoble - UGA – c’est de faire en sorte que tout un chacun vive des expériences de démocratie au quotidien, sur son lieu de travail ou d’études. Nous avons la chance d’avoir une communauté engagée et plurielle. C’est une richesse qu’il faut mobiliser !
Depuis quelques semaines, j’ai eu la chance d’échanger de près avec une équipe administrative très impliquée, qui me donne toute confiance dans notre capacité collective à mener notre projet à bien.
Vous avez évoqué des réformes pédagogiques ambitieuses. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Simon PERSICO - Ces réformes sont issues d’un processus de co-construction avec les collègues et doivent encore être discutées et affinées. Elles seront notamment portées par Gilles Bastin, Professeur de sociologie qui sera directeur adjoint de l’IEP et VP Recherche, et Hedwig Mesana, une enseignante d’allemand très expérimentée qui a accepté de devenir VP Formation. Nous souhaitons atteindre plusieurs objectifs complémentaires : accroître encore les relations entre recherche et formation ; simplifier notre offre pédagogique ; renforcer l’excellence de nos formations. Nous laisserons plus de place au travail personnel et en groupe et à la pédagogie inversée, à l’image des meilleures universités mondiales.
L’internationalisation de notre formation continuera à être portée par Franck Petiteville, Professeur des Universités en science politique et Anna Jeannesson, Professeure d’anglais : elle est une richesse et une force qu’il faut pérenniser et normaliser. Au niveau du second cycle, nous devons clarifier notre offre en réduisant peut être le nombre de parcours, en mutualisant les enseignements, et en valorisant la formation continue et l’enseignement à distance. Je voudrais aussi rajouter un point qui tient à cœur de ma nouvelle équipe : la création d’un poste de Vice-Présidente à la vie étudiante, porté par Caroline Bray, Professeure d’anglais, qui nous permettra d’accompagner les étudiantes et étudiants au plus près.
Comment envisagez-vous les relations avec l’UGA auquel appartient l’IEP ?
Sciences Po Grenoble - UGA, comme son nom l’indique désormais, est pleinement intégré à l’Université Grenoble Alpes et au réseau des IEP qui est important lui aussi. Cette double appartenance est une force. La « marque » Sciences Po, tout comme celle de l’UGA, sont des atouts à cultiver. Les initiatives et les projets communs sont déjà très nombreux au quotidien et c’est une excellente chose. Dernier exemple en date : nos succès lors de l’appel à projets de recherche AMI-SHS, qui permettra de financer deux grands projets portés ou co-portés par l’UGA, Sciences po Grenoble, les laboratoires et d’autres IEP de région : l’un sur les conséquences du changement climatique, l’autre sur l’évolution des démocraties.
Un autre exemple de cette intégration : notre participation à la transformation écologique de l’UGA, avec l’objectif ambitieux de réduire nos émissions de 35% d’ici 2030. Sur ce dossier, comme sur d’autres, nous devons agir de concert. Du travail a déjà été fait : j’invite toutes les diplômées et tous les diplômés à venir revisiter leur alma mater, rénovée il y a 6 ans ; elles et ils retrouveront les mêmes patios, les mêmes amphis, le même cadre exceptionnel au cœur des trois massifs alpins. Mais le bâtiment est plus agréable à vivre et plus économe en énergie. Mais cela ne suffit pas. Il faut accélérer nos efforts sur nos manières de travailler, de nous déplacer, ou d’enseigner. Si nous réussissons, nous deviendrons, là aussi, la preuve par l’exemple que « l’atterrissage » souhaité par le sociologue Bruno Latour est possible.
Pour conclure, que souhaitez-vous dire à la communauté présente et passée de Sciences Po Grenoble - UGA ?
Il y a quelques années, un illustre enseignant-chercheur de la maison, Pierre Favre, signait un grand ouvrage d’épistémologie des sciences sociales, dont le titre résume, je crois, la mission que doit se donner la grande famille de Sciences Po Grenoble - UGA dans les temps obscurs qui sont face à nous : Comprendre le monde pour le changer. Il s’agit là de notre responsabilité collective et je sais pouvoir compter sur toutes les forces vives de notre cher Institut.
Le parcours de Simon Persico
Simon Persico est Professeur des Universités en science politique à Sciences Po Grenoble – UGA depuis septembre 2017, rattaché au laboratoire Pacte. Ses travaux de recherche portent sur quatre grands thèmes : le changement des systèmes partisans en Europe de l’Ouest, l’impact des partis sur les politiques publiques, le respect des promesses électorales, et les évolutions de l’écologie politique dans la compétition partisane, l’opinion et les mouvements sociaux.
Ses travaux ont été publiés dans le Journal of Elections, Public Opinion and Parties, Political Studies, French Politics, la Revue Française de Science Politique, Gouvernement et Action Publique, Lien Social et Politique. Il a notamment publié :
Sauver l’Europe ? Citoyens, élections et gouvernance européennes par gros temps (co-dirigé avec Sabine Saurugger, Dalloz 2019) et
Partis Politiques (co-dirigé avec Florence Haegel, Traités Larcier 2023).
Simon Persico est responsable de l’équipe Gouvernance et membre du Directoire du laboratoire Pacte. Il a co-fondé et co-dirige le Master Transitions écologiques de Sciences Po Grenoble - UGA.
Il est diplômé de l'IEP Grenoble en 2007.
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