Une équipe scientifique internationale impliquant des chercheurs de l’Institut des sciences de la Terre (ISTerre* - CNRS/IRD/UGA/Univ. Gustave Eiffel/USMB), vient de découvrir en Albanie un réservoir d’hydrogène naturel dans les profondeurs d’une mine de chromite. Cette découverte qui ouvre de nouvelles perspectives pour l'exploration de l'hydrogène naturel fait l’objet d’un article publié le 8 février dans le magazine Science.
L’hydrogène (H2) naturel, ou géosourcé, a récemment suscité un grand intérêt en raison de son potentiel en tant que ressource énergétique primaire extractible. Cette nouvelle étude, publiée dans le magazine Science, aborde spécifiquement cette question importante en mettant en évidence un dégazage d'hydrogène remarquablement élevé, d'au moins 200 tonnes par an, et constant depuis au moins 6 ans, dans une mine souterraine de chromite (minerai de chrome) en Albanie. Il s’agit du flux naturel d’H2 le plus élevé mesuré à ce jour. L’une de ses manifestations physiques transforme un bassin de drainage situé à 1000 m de profondeur dans la mine en un jacuzzi de 30 m2 bouillonnant d’H2 presque pur (84 % en volume). Ce dégazage naturel considérable pose la question de l’origine de l’hydrogène et de potentielles perspectives économiques.
Bien que ce flux soit minime comparé à la production mondiale d'hydrogène par l'industrie pétrochimique (100 millions de tonnes par an), les observations in-situ, et les simulations numériques présentées par les auteurs de cette étude indiquent l'existence d'un réservoir profond situé dans une zone de faille bien identifiée. Les travaux miniers ont percé ce réservoir, entrainant ainsi des fuites d’hydrogène en différents endroits bien localisés dans les galeries les plus profondes.
Cette découverte pose les bases de nouveaux modèles d’exploration de l’hydrogène naturel. En ce sens, la mine de chrome de Bulqizë, en offrant un regard direct sur le sous-sol, constitue un outil scientifique clé pour l’étude du système hydrogène et pour comprendre les conditions de formation et d’accumulation de ce gaz. Les massifs ophiolitiques, formations géologiques issues de la croûte océanique et transportées sur les continents par la tectonique des plaques, se révèlent être des hôtes potentiels de ces réservoirs d'hydrogène de haute qualité. Ces formations géologiques importantes et répandues sur Terre ont déjà été identifiées comme abritant des sources hyperalcalines où bulle de l’hydrogène. Historiquement, les ophiolites n’ont pas fait l’objet de campagne d’exploration par l’industrie pétrolière et gazière car celles-ci ne présentaient pas d’intérêt en termes de ressources en hydrocarbures. À plusieurs égards, cette découverte pourrait donc changer la donne dans notre quête incessante de ressources énergétiques.
Cependant, il est encore trop tôt pour dire si l’hydrogène naturel prendra une place significative dans notre mix énergétique, ou restera une curiosité de niche. Nous soulignons également que l’hydrogène naturel n’est pas une ressource renouvelable, dans le sens où les vitesses de production sont bien trop lentes par rapport aux besoins énergétiques mondiaux. En outre, ces environnements géologiques abritent souvent une biosphère profonde et fragile qui prolifère notamment grâce à la présence d’hydrogène. Nous délivrons donc également un message de prudence et invitons à une réflexion approfondie sur les impacts environnementaux potentiels de toute exploration future. Cette découverte pourrait redéfinir notre approche des ressources énergétiques et ouvre des perspectives passionnantes pour l'exploration de l'hydrogène naturel. Cependant, il est essentiel de poursuivre les recherches en tenant compte de l'impact environnemental et de la durabilité de ces initiatives.
*ISTerre est l’un des laboratoires membres de la fédération OSUG, Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble
Publié le 9 février 2024
Mis à jour le 16 février 2024
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