The Conversation : "Nouvelle découverte : les deux gros bébés exoplanètes du système YSES-1"

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le  13 juin 2025
Vue d’artiste du système YSES-1. On voit le système de l’extérieur, avec un effet de perspective, ce qui explique la petitesse de l’étoile sur le dessin. Au premier plan, l’exoplanète YSES-1 c qui est couverte de nuages de poussières de silicates. À l’arr
Vue d’artiste du système YSES-1. On voit le système de l’extérieur, avec un effet de perspective, ce qui explique la petitesse de l’étoile sur le dessin. Au premier plan, l’exoplanète YSES-1 c qui est couverte de nuages de poussières de silicates. À l’arrière-plan, l’exoplanète YSES-1 b, plus proche de son étoile, est entourée d’un disque de matière où des exolunes peuvent se former. Ellis Bogat
Une nouvelle étude, publiée aujourd’hui dans la revue « Nature », dévoile deux jeunes exoplanètes au sein d’un système stellaire atypique.

Mickaël Bonnefoy, astrophysicien et co-auteur de l’étude, nous explique qui sont ces « bébés exoplanètes ».

Vous nous emmenez en voyage dans un système stellaire atypique, YSES-1. Pourquoi intrigue-t-il les scientifiques ?

M. B. : Le système YSES-1 est atypique dans le bestiaire exoplanétaire. Situé à plus de 300 années-lumière de nous, ce système 270 fois plus jeune que le système solaire se compose d’une étoile analogue à notre Soleil et de deux grosses planètes, respectivement de 14 et 6 fois la masse de Jupiter, qui est pourtant de loin la plus grosse planète du système solaire. Ces exoplanètes sont aussi très éloignées de leur étoile – sur des orbites 35 et 71 fois la distance Soleil-Jupiter.

Cette architecture exotique remet en perspective l’origine et les propriétés de notre propre système solaire. YSES-1 nous permet d’étudier les propriétés de plusieurs exoplanètes joviennes jeunes, des « bébés exoplanètes », au sein d’un seul et même système.

Les données du télescope spatial James-Webb (JWST) révèlent l’intrigante nature de ces deux gros « bébés exoplanètes », et montrent que la plus massive des deux est encore en train de se forme. C’est ce que notre collaboration internationale publie aujourd’hui dans Nature.

Quelles sont les observations que vous décrivez dans votre article ?

M. B. : Grâce au télescope spatial James-Webb, nous avons observé des poussières de silicates en suspension dans l’atmosphère de la planète la moins massive et la plus lointaine de l’étoile, YSES-1 c. Ces poussières ont été prédites il y a plusieurs décennies par les études théoriques, mais c’est seulement aujourd’hui, avec ce télescope spatial, que l’on peut les observer directement.

Nos données mettent également en évidence pour la première fois un disque autour de la planète la plus massive et la plus proche de l’étoile, YSES-1 b. Ce type de disque est bien différent des anneaux de Saturne. Il s’agit plutôt d’un « réservoir de matière » qui alimente l’atmosphère de cette planète toujours en train de se former.

C’est aussi le lieu de formation de possibles exolunes. Nous savons qu’il y a eu un disque de poussière similaire autour de Jupiter dans le passé, qui a donné naissance à ses lunes, dont Europe et Ganymède.

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Quel était votre but en pointant le télescope James-Webb sur ce système stellaire, déjà bien connu ?

M. B. : Nous souhaitions initialement étudier l’atmosphère de ces deux planètes et mettre en évidence leurs différences physiques (masse, température) pour comprendre comment elles ont pu se former.

En étudiant le système YSES-1, très jeune (16,7 millions d’années), on espérait mieux comprendre les origines de notre propre système solaire (4,5 milliards d’années).

Mais vous avez observé quelque chose que vous n’aviez pas prévu d’observer initialement ?

M. B. : Absolument. Jusqu’au lancement du télescope James-Webb, nous ne pouvions étudier la lumière des exoplanètes au-delà de 5 micromètres du fait de l’absorption de l’atmosphère terrestre à ces longueurs d’onde depuis le sol.

Grâce à la nouvelle fenêtre observationnelle offerte par ce télescope spatial, nous pouvons étudier la signature spectroscopique de nombreuses molécules et particules en suspension dans l’atmosphère de ces exoplanètes.

Ici, nous avons pu révéler la présence d’un disque autour de la planète la plus massive du système, qui cause un excès de flux dans l’infrarouge mis en évidence par ces observations. Ce disque est le lieu de formation possible d’exolunes similaires à celles formées autour de Jupiter. Ce disque sert également de réservoir de matière pour former l’enveloppe gazeuse de la planète.

Est-ce que vous avez répondu à vos questions initiales ? Comprend-on mieux aujourd’hui comment un tel système a pu se former, avec ses planètes très massives et très lointaines de l’étoile ?

M. B. : Non, finalement, l’étude n’aborde pas ces points en détail, mais se focalise plus sur les propriétés de l’atmosphère de l’exoplanète YSES-1 c et du disque de l’exoplanète YSES-1 b.

Quelles sont les questions qui sont ouvertes par votre étude ?

M. B. : La découverte d’un disque autour d’une des planètes et son absence sur l’autre planète dans un système d’un âge donné pose la question de la chronologie de la formation de ces planètes. Se sont-elles formées en même temps ? Un disque existait-il dans le passé autour de l’exoplanète la moins massive ? Il reste la possibilité qu’un tel disque soit toujours présent, mais invisible dans les observations actuelles : ce serait le cas s’il émet au-delà des longueurs d’onde de nos observations.

De nouvelles observations avec le télescope James-Webb dans une gamme de longueurs d’onde au-delà de 12 micromètres seront nécessaires pour clarifier ces questions ouvertes.

Au-delà, cette étude permet de caractériser pour la première fois quantitativement les propriétés des nuages de poussière dans l’atmosphère d’une exoplanète jovienne jeune. De nouvelles observations du système au-delà de 12 micromètres permettront de préciser la composition de cette poussière, qui est sans doute faite de plusieurs types de grains.

Les projets FRAME et MIRAGES sont soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Publié le  13 juin 2025
Mis à jour le  13 juin 2025