Nano-batteries naturelles rechargeables : plongée à l'échelle atomique dans les nanomagnétites.

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le  19 mai 2025
Des scientifiques de l'Université de Grenoble Alpes, utilisant une analyse combinée géo-spectro-chimique unique à l'Institut des sciences de la Terre de Grenoble (ISTerre - CNRS/IRD/UGA/UGE/USMB), ont fait une découverte importante qui remet en question les théories précédentes. Leurs recherches révèlent que la décharge d'une nano-batterie, la magnétite, ne se fait pas à l'extérieur, mais à l'intérieur de la nanoparticule, sa recharge se faisant par des ions fer ferreux.

Cette découverte est basée sur des analyses spectroscopiques et microscopiques avancées qui révèlent également l'immobilisation sous forme d'atomes uniques ou de petits amas polynucléaires à la surface des nanoparticules de magnétite du Rhénium. Le Rhenium est un métal critique utilisé dans les turbines à haute température mais aussi dans les sédiments pour la reconstruction des dynamiques paléo-environnementales.

Les recherches ont été menées à ISTerre Grenoble, ESRF Grenoble, ALS Berkeley, IMMM Le Mans et LPS Orsay dans le cadre des projets CNRS-MITI et METSA. Les résultats de cette étude seront publiés dans la revue Science Advances le 16 mai 2025.

Les résultats indiquent une voie de transformation abiotique du Rhénium dans laquelle le Fe2+ aqueux en présence de magnétite (Fe3O4) pure ou pré-oxydée sert de source d'électrons pour réduire l'anion monovalent Re(VII) très mobile en atome Re(IV) isolé ou assemblés en petites espèces polynucléaires à la surface de la particule de magnétite. En outre, ces analyses apportent une compréhension fondamentale des processus redox régissant le devenir tant des électrons dans les piles naturelles que du Re et son transport dans l'environnement.

Recharge des nano-magnétites par le fer ferreux et son impact sur la récupération de l'élément critique Rhénium

Recharge des nano-magnétites par le fer ferreux et son impact sur la récupération de l'élément critique Rhénium

Les nouveaux résultats de cette étude permettent de mieux comprendre les processus de décharge et de recharge des batteries naturelles qui contrôlent le devenir des éléments critiques ou radioactifs redox actifs - mais aussi potentiellement du carbone – dans les (paléo)environnements terrestres, et aujourd'hui dans les processus de recyclage de métaux critiques indispensables à l'économie circulaire. Cette découverte, qui se concentre sur les analyses géochimiques de la nano-magnétite réalisées par les scientifiques d'ISTerre, a été complétée par des techniques spectro-microscopiques menées au niveau national et international.

Les nouvelles découvertes démontrent comment des éléments critiques (ou très toxiques) - présents sous forme d'entités si mobiles qu’elles peuvent rester dans l'océan pendant des dizaines de milliers d'années - peuvent se retrouvées piégés de manière très dynamique au contact de batteries rechargées naturellement. Ces batteries sont alors progressivement déchargée par des électrons qui se déplacent du cœur de la nano-batterie vers sa périphérie. Cette découverte est importante car une grande partie de la communauté scientifique pense que la décharge de la magnétite se produit selon un mode centripète, l'oxydation du fer se produisant d'abord à la surface avant de se propager vers l'intérieur, un processus qui arrêterait le transfert d'électrons en créant une couche isolante.

Ces nouveaux résultats montrent que les nanoparticules de magnétite pré-oxydées puis rechargées par du Fe2+ aqueux, présentent un noyau de maghémite (Fe2O3) et une coquille de magnétite, ce qui remet en question le modèle traditionnel noyau-coquille de magnétite-maghémite. Les électrons traversent ainsi la partie conductrice non déchargée de la batterie de magnétite jusqu'à sa partie interne, déchargée. Ce type de dynamique des électrons pourrait être également plus propice à l'émergence de la vie sur Terre que la configuration "rouille verte" précédemment imaginée.

Coupe transversale de nanoparticules de magnétite montrant la recharge de cette nano-batterie par des atomes de fer ferreux

​​​Coupe transversale de nano-batteries de magnétite rechargées montrant la couche déchargée/oxydée en jaune, l'ion de recharge en vert et la magnétite rechargée en rouge (Figure 1a), et vue d’atomes de rhénium isolés assis sur des rangées d'atomes de Fe (Figure 1b) obtenues en utilisant des techniques in-situ de pointe, combinées à la plateforme analytique géochimique et minéralogique innovante d'ISTerre (GMP)[1].
[1] La plate-forme GMP a été cofinancée par le CNRS, l'Agence française des déchets nucléaires (ANDRA) et la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle fait partie du Réseau Géochimique et Expérimental Français (RéGEF).
Publié le  19 mai 2025
Mis à jour le  19 mai 2025