Une équipe universitaire française en lice pour le Solar Decathlon Europe

Formation
le  23 février 2021
La team Auvergne-Rhône-Alpes qui a remporté l'édition 2012 devant son prototype Canopea © ENSAG
La team Auvergne-Rhône-Alpes qui a remporté l'édition 2012 devant son prototype Canopea © ENSAG
Pour la troisième fois, l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, Université Grenoble Alpes (ENSAG – UGA) participe au Solar Decathlon, compétition universitaire internationale d’architecture destinée aux étudiants encadrés par des enseignants et chercheurs, notamment de l’unité de recherche Architecture, Environnement & Cultures Constructives, porteuse du LabEx du même nom. Avec ses multiples partenaires, elle forme l’équipe pluridisciplinaire Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi ses atouts sur cette édition, la synergie entre composantes et établissements-composantes amplifiée par l’Université Grenoble Alpes dans son nouveau périmètre. Sa prestation sera évaluée en mai 2022, à Wuppertal, en Allemagne. Explications.
Lorsque l’on pratique une pédagogie de l’apprentissage par l’expérimentation comme le fait l’ENSAG - UGA, une compétition telle que le Solar Decathlon représente une opportunité de choix. D’où l’histoire durable, depuis 2010, qui lie l’école et ses partenaires à cette compétition universitaire internationale d’architecture s’adressant aux futurs professionnels. "Le Solar Decathlon est un formidable prétexte pour permettre aux étudiants de se confronter à un projet architectural complet et opérationnel, de sa conception au moindre détail de sa mise en œuvre. En effet, le projet, exercice pédagogique central des écoles d’architecture, qui n’est développé habituellement que jusqu’au stade de l’esquisses ou de l’avant-projet doit ici être construit, visitable et totalement fonctionnel. Gageure suprême, ce sont ces mêmes étudiants, co-concepteurs de ce défi collectif, futurs acteurs de la construction durable, qui ont la charge de la fabrication du démonstrateur construit et présenté lors de la phase finale de la compétition. C’est une véritable aventure pédagogique qui offre aussi une possibilité rare de faire travailler ensemble des étudiants mais aussi des enseignants, chercheurs, professionnels, venus d’horizons et de disciplines différentes autour d’un même objectif : imaginer l’habitat du futur !", argumente Nicolas Dubus, enseignant-chercheur en master 2, parcours "Architecture environnement & culture constructive" (AE&CC) à l’ENSAG - UGA et faculty advisor du projet Solar Decathlon Europe 2021 (SDE21).

Cette compétition, qui se prépare normalement sur deux années universitaires (en raison de la crise sanitaire, la compétition, initialement prévue en 2021, a été prolongée d’un an) verra son point d’orgue du 19 mai au 3 juillet 2022 à Wuppertal en Allemagne.

Le Solar Decathlon : une compétition de conception / réalisation

L’origine du Solar Decathlon (SD), initié en 2002 par le département de l’énergie du gouvernement des États-Unis (US DOE), s’avère politique. "La compétition a été initiée au moment où les États-Unis refusaient de signer le protocole de Kyoto (accord international visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre). Soutenus par Al Gore, les universitaires américains ont souhaité montrer quelle était la capacité des États-Unis à porter des valeurs environnementales", analyse Christophe de Tricaud, enseignant en master 2 AE&CC et coordinateur de l'équipe Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans un esprit similaire à celui des expositions universelles, l’objectif de la compétition est de montrer au grand public les résultats tangibles des recherches en cours sur l’aménagement du territoire et l’habitat de demain. En même temps, il s’agit de former par l’expérimentation pratique, les nouvelles générations de concepteurs à imaginer l’espace habité en prenant en compte tous ses aspects, tant sur le plan énergétique que sur le plan culturel, social et économique.

Travail de préfabrication du prototype Terra nostra par les étudiants aux Grands ateliers innovation architecture à Villefontaine © ENSAG
 
Travail de préfabrication du prototype Terra nostra par les étudiants aux Grands ateliers innovation architecture à Villefontaine © ENSAG - UGA
L’objet de la compétition est de faire concevoir et construire par des équipes universitaires pluridisciplinaires, composées d’urbanistes, d’architectes, d’ingénieurs, de communicants, de spécialistes en gestion immobilière et environnementale et de techniciens du bâtiment, encadrés par des enseignants et des chercheurs d’universités du monde entier en collaboration avec des professionnels et des industriels, une vingtaine de projet d’habitat à très hautes performances environnementales fonctionnant avec le soleil pour principale source d’énergie. Les équipes doivent concevoir un projet global duquel sera extrait un démonstrateur construit.

La compétition compte dix épreuves, dont certaines, objectives sont évaluées à partir des mesures effectuées sur les bâtiments démonstrateurs exposés dans le village solaire. D’autres, subjectives, sont expertisés par des jurys de spécialistes internationaux qui évaluent la pertinence globale des propositions formulées par les équipes (voir encadré).

Mais bien plus qu’une compétition, le Solar Decathlon est aussi un laboratoire de mise en œuvre de pédagogies innovantes s’appuyant notamment sur une démarche de type design / build développée depuis de nombreuses années à l’ENSAG - UGA. Il s’agit également de faire travailler les étudiants, les enseignants et les chercheurs de manière transversale et pluridisciplinaire, de croiser les recherches, les formations, les savoirs et les savoir-faire. Le projet architectural est ici abordé à différentes échelles, du territoire au détail constructif.

La team Auvergne Rhône-Alpes : un consortium d’acteurs universitaires

La composition de la team Auvergne-Rhône-Alpes illustre la diversité, la richesse et la complémentarité de l’offre de formation de l’Université Grenoble Alpes complétée de partenaires académiques extérieurs et reconnus et supportée par de multiples partenaires (voir encadré).
 
Membres de la team AuRA Missions
École nationale supérieure d’architecture de Grenoble (ENSAG - UGA) Portage du projet sur le plan académique et élaboration du projet architectural
Les grands ateliers innovation architecture (GAIA) Portage opérationnel, financier et administratif
IUT1 de Grenoble, Département génie électrique et informatique industrielle (IUT1 GEII - Université Grenoble Alpes) Composante électricité / énergie du projet
Institut d'administration des entreprises (Grenoble IAE - INP, Université Grenoble Alpes) Composante communication du projet
École nationale supérieure de l'énergie, l'eau et l'environnement (Grenoble INP - Ense3, Université Grenoble Alpes) Accompagnement à l’élaboration des stratégies énergétiques du projet et d'une partie de l’ingénierie liée à la structure dans le bâtiment
École nationale supérieure d’architecture de Saint-Étienne (ENSASE) Représentation architecturale du projet : production d’images, de vidéo, RA, RV, RM. Déclinaison du projet architectural
École urbaine de Lyon (EUL) Accompagnement sur les notions de l’anthropocène (voir encadré)
Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (HEIA HES-SO//FR – Suisse) Élaboration des stratégies énergétiques et stratégies thermiques
Les compagnons du devoir et du tour de France (AOCDTF – Villefontaine) Accompagnement à la mise au point du projet dans les phases d'avant chantier et à la mise en œuvre
École nationale supérieure des arts et métiers de Chambéry (ENSAM) Analyse des cycles de vie (matériaux de réemploi, entre autres) et mobilité liée à l’habitat et au territoire d’implantation

Quelles lignes de force pour la prochaine édition ?

Pour la première fois en 2022, l'ensemble des équipes devront traiter de la question de la régénération du patrimoine existant. La team Auvergne-Rhône-Alpes a choisi de se saisir d’une des thématiques proposées par les organisateurs du SDE, ainsi formulée : "travailler à la revitalisation des communautés rurales comme alternative au développement des méga-villes." Mais plutôt que d’opposer la ville à la ruralité, Christophe de Tricaud et Nicolas Dubus préfèrent parler d’"équilibre territorial". "C’est une thématique que l’on travaille depuis plus de dix ans au sein du parcours de master "Architecture, environnement & cultures constructives" (AE&CC) de l’ENSAG - UGA sous l’impulsion de Nicolas Dubus, actuel co-responsable du parcours. Il était donc très opportun de se saisir de cette proposition."

Le projet de l’équipe Auvergne-Rhône-Alpes s’appuie sur le principe d’urbanisme distribué ainsi formulé par Antoine Brès : "(...) pour un territoire donné, quelle est la répartition la plus efficiente, la plus attractive et la plus écologiquement soutenable de sa population, ainsi que des activités et des services qui lui sont nécessaires ?".

"Penser cette redistribution territoriale, comme le propose Antoine Brès (architecte-urbaniste, professeur et chercheur au sein de l’équipe CRIA de l’UMR Géographie-Cites de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), nécessite de commencer à réfléchir à l’évolution des métropoles et mégapoles dans un contexte qui ne sera plus celui d’une abondance énergétique et ou l’augmentation des contraintes environnementales sera de mise. Nous pensons que, d’un exode rural, nous pourrions tout à fait passer à un exode urbain.", défendent les coordinateurs du projet. Rappelons que les projets Solar Decathlon sont de nature prospective. Aussi la team Auvergne Rhône-Alpes s’appuie sur des scénarios d’exode urbain qui vont jusqu’à 2050 ou 2100, liés aux scénarios de réchauffement climatiques du GIEC.

Le site d’implantation : fiche d’identité

En s’appuyant sur cette hypothèse, la team Auvergne-Rhône-Alpes développe un projet situé au Col de l’Arzelier à 1154 mètres d’altitude, localisé à environ 35 km au sud de Grenoble, à cheval sur la Commune de Château-Bernard et la commune du Gua.

Au début des années 1960-1970, ce site a vu l’émergence d’une station de ski familiale dont l’activité a cessé il y a maintenant deux ans notamment en raison de problématiques d’enneigement.

"Ce sont des territoires qui subissent d'ores et déjà les effets du réchauffement climatique et qui doivent amorcer une transition écologique et économique.", justifie Christophe de Tricaud.

L’équipe porte ainsi une réflexion à l’échelle du territoire en s’interrogeant sur sa résilience et sa capacité d’évolution. A l’échelle architecturale, l’équipe se préoccupe de la réhabilitation d’un bâtiment emblématique du lieu et dont l’abandon est révélateur des premières conséquences du changement climatique sur ce site.

La régénération du patrimoine existant : réhabilitation d’un hôtel

L’ensemble immobilier choisi par la team Auvergne Rhône-Alpes tenait lieu d’hôtel construit au début des années 1970. L’établissement a fermé ses portes au début des années 2000. Ce bâtiment est très représentatif des habitats liés au tourisme en montagne de cette époque, mais il est aussi caractéristique d’un type de construction rencontré dans d’autres programmes d’habitat et sur de nombreux autres territoires. "Construit selon un principe constructif répétitif refends / dalles béton, il possède une trame extrêmement resserrée. C’est une vraie gageure d’arriver à transformer cet hôtel en de l’habitat pérenne.", souligne un étudiant de l’ENSAG - UGA. Ce qui soulève un enjeu de taille à l’échelle territoriale car ce type de construction est présent dans de nombreuses stations de moyenne montagne, de même qu’en périphérie des villes. L’École nationale supérieure d’Architecture de Saint-Etienne va d’ailleurs concevoir une déclinaison de ce projet sur un bâtiment stéphanois qui présente un mode de construction similaire.

L'hotel de l'Arzellier © ENSAG

Pour répondre à la thématique de la revitalisation des communautés rurales, l'équipe a choisi le col de l'Arzelier et son ancien hôtel © ENSAG - UGA
Le projet de réhabilitation / extension de ce bâtiment intègrera une programmation multiple afin de combler les manques actuelles et futures révélés et projetés à issue de l’analyse des besoins et ressources du territoire. Les étudiants de l’ENSAG - UGA développeront par ailleurs d’autres projets complémentaires localisés sur l’ensemble du territoire étudié afin de compléter le scénario prospectif d’un futur habitable, vivable et désirable.

Les ressources

La team Auvergne Rhône-Alpes poursuivra certaines thématiques de recherche déjà travaillées précédemment, notamment en termes de composition architecturale ou d’utilisation de ressources locale et de matériaux bio et géo-sourcés. Ainsi, le principe du Core / Skin / Shell, composition architecturale combinant les principes d’un noyau concentrant technique et services, d’une peau assurant une isolation performante des espaces habités et d’une enveloppe protectrice et productrice d’énergie, sera interrogé dans le cadre d’une intervention sur un bâtiment existant. L’usage multiple de la terre crue, des matériaux à base de fibres végétales seront également étudiés. D’un point de vue des ressources convoquées, ces matériaux seront locaux, pour limiter l’impact de leur transport et favoriser l’économie de la construction de proximité. Enfin, l’accent sera mis sur les matériaux de réemploi, domaine encore peu exploré par l’équipe mais présentant un véritable potentiel pour faire face à la raréfaction des ressources naturelle et l’enjeu de décarbonation du processus de construction.
Publié le  23 février 2021
Mis à jour le  25 janvier 2023