L’exposition à des températures élevées au début de la vie pourrait être à l’origine de troubles linguistiques et neurodéveloppementaux chez les jeunes enfants
Dans un monde où la fréquence et l’intensité des vagues de chaleurs s’amplifient, il devient crucial de comprendre leur impact sur les générations futures. Des travaux d’une équipe de l’Inserm, du CNRS et de l’UGA, publiés dans Environmental Health montrent pour la première fois un lien entre exposition à des températures élevées pendant la grossesse et les premiers mois de vie et conséquences négatives sur le neurodéveloppement des jeunes enfants.
Les données récoltées auprès de 12 000 couples mère-enfant de la cohorte Elfe identifient des périodes charnières au cours du second trimestre de la grossesse et de la petite enfance, pendant lesquelles des pics de température pourraient être associés à un retard de développement linguistique.
Coups de chaud et canicules ne sont pas sans risques pour la santé. Les températures extrêmes contribuent largement au fardeau sanitaire global, impactant significativement l’espérance de vie des populations, en particulier chez les personnes fragiles. Les femmes enceintes et les nourrissons, dont les processus de thermorégulation ne sont pas aussi efficaces, sont particulièrement sensibles au stress thermique. Facteurs probables de déclenchement de l’accouchement, les vagues de chaleur pendant la grossesse sont associées à un risque accru de mortinatalité, de prématurité, ou à un poids de naissance faible. Des évènements périnataux qui ont déjà été associés, dans la littérature scientifique, à des conséquences à long terme sur le développement de l’enfant, en particulier neurologique.
Des études chez l’animal ont montré que les températures extrêmes impacteraient différents mécanismes neurobiologiques comme la prolifération, la différenciation et la migration des neurones, provoquant des perturbations neurodéveloppementales chez les rongeurs et les poissons, avec des conséquences cognitives délétères. Chez l’humain, aucune étude ne s’était encore intéressée aux effets de la température ambiante sur le neurodéveloppement.
Une équipe de recherche menée par Johanna Lepeule, directrice de recherche à l’Inserm, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (IAB - Inserm/CNRS/UGA), et Itai Kloog, professeur à l’université Ben-Gourion (Israël), a étudié pour la première fois l’impact des températures extrêmes sur le développement linguistique à l’âge de deux ans, un des premiers marqueurs d’apprentissage quantifiable.
Pour ce faire, les chercheuses et chercheurs ont utilisé les données de la cohorte nationale Elfe[1], combinées à des modèles d’exposition à la température dits « à fine échelle » : semaine par semaine, tout au long de la grossesse et des premiers mois de vie, ils et elles ont estimé, à 1 km près à la campagne et à 200 m près en ville, les températures éprouvées et leurs effets sur les capacités langagières des enfants à deux ans.
Grâce aux 12 000 couples mère-enfant qui ont été inclus dans ce travail, les scientifiques ont pu identifier des périodes au cours de la grossesse et de la petite enfance durant lesquelles le développement des enfants serait plus vulnérable aux vagues de chaleurs. Des températures extrêmes au début du deuxième trimestre de grossesse (14 à 19e semaine de grossesse), et durant les sept premiers mois de vie apparaissent ainsi associées à une diminution des capacités langagières de l’enfant allant jusqu’à 15 %. À l’inverse des températures froides pendant la période prénatale, incitant les femmes à rester en intérieur à des températures confortables, étaient associées à une amélioration des scores d’acquisitions de langage.
« Aujourd’hui, on sait qu’à court terme, la chaleur joue sur les capacités immédiates de concentration et diminue les performances cognitives. Si les effets de la chaleur sur le développement neuropsychologique de l’enfant observés dans nos travaux sont confirmés, il faudra s’attendre à découvrir des conséquences, pas seulement ponctuelles, mais sur toute la durée de la vie, explique Johanna Lepeule. Nos résultats sont un signal précurseur de l’impact d’un réchauffement global sur le développement cognitif humain à long terme. Nous travaillons actuellement pour comprendre dans quelle mesure les générations futures pourraient être impactées. En attendant, l’identification de ces fenêtres de vulnérabilité est un premier indicateur qui pourrait permettre de cibler des messages de prévention », conclut la chercheuse.
[1]Elfe est la première étude longitudinale française d’envergure nationale consacrée au suivi des enfants de la naissance à l’âge adulte. Plus de 18 000 enfants nés en France métropolitaine en 2011 ont été inclus dans l’étude (soit 1 enfant sur 50 parmi les naissances de 2011). L’étude Elfe mobilise environ 150 chercheurs appartenant à diverses disciplines scientifiques et est coordonnée par l’Inserm et l’Institut national d’études démographiques (Ined).
Impact of early life exposure to heat and cold on linguistic development in two-year-old children: findings from the ELFE cohort study
Guillaume Barbalat1,2*, Ariane Guilbert1, Lucie Adelaïde1,3, Marie-Aline Charles4, Ian Hough5, Ludivine Launay6,7,8, Itai Kloog9,10† and Johanna Lepeule1*† Environmental Health, 9 avril 2025 https://doi.org/10.1186/s12940-025-01173-8
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