Dire et jouer le vers de théâtre

Atelier, Rencontre / Débat Recherche
le  19 mars 2024Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire
Cet atelier, organisé par Litt&Arts, animé par la metteuse en scène Brigitte Jaques-Wajeman et le comédien Bertrand Pazos, a pour objectif de réfléchir à la spécificité du théâtre en vers et aux techniques (respiration, diction, mise en jeu…) à mettre en œuvre pour exploiter les potentialités de cette forme artistique.

À partir de l’exemple du Misanthrope de Molière, il s’agira de travailler, dans une perspective expérimentale, sur la mise en voix et en jeu de l’alexandrin classique. Comment la versification, loin d’être ressentie comme une contrainte artificielle, peut-elle être mise au service du sens et de l’effet dramatique ? Comment exploiter le rythme et la musicalité du texte tout en évitant les écueils de la monotonie ? Comment la mise en scène du théâtre en vers a-t-elle été renouvelée par l’étude de la métrique, de la langue et de la ponctuation ? Comment penser le rapport entre cette langue codifiée et le corps du comédien ?

« Il y a comme un vertige à pratiquer l’alexandrin. C’est en somme une langue étrangère installée à l’intérieur de notre langue. Il use des mêmes mots, mais sa forme très réglée en transfigure le sens. Cela donne une inquiétante étrangeté. C’est une langue familière et totalement autre. De plus, ce vers de douze pieds correspond, semble-t-il, à l’unité de souffle nécessaire à la diction d’une phrase simple. C’est le vers le plus proche de la prose. C’est pourquoi les dramaturges s’en sont servis si longtemps au théâtre. À cause de son effet de naturel, malgré l’artifice. Cette contradiction pousse à deux tentations : l’une à faire le plus prosaïque possible en cassant les pieds du vers, l’autre au contraire à le déclamer pour en faire entendre la sublime musique. Entre Charybde et Scylla, beaucoup d’acteurs se demandent comment le dire, comment le jouer. Au moment où je commençais à travailler Corneille, François Regnault et Jean-Claude Milner ont fait paraître leur fameux traité du vers. C’est une merveille, en ce qu’il nous enjoint de nous tenir justement dans le grand écart : il ne faut rien sacrifier dans ce vers, ni la prose qu’il contient, ni la poésie qui le constitue. Reste que pour le dire et pour le jouer, il faut des comédiens dont l’imaginaire passe entièrement par la langue, par ce que dessine la langue dans l’air. Ce n’est pas tant une question de voix qu’une projection de soi dans la langue. Il faut la considérer matériellement comme un chantier imaginaire, un palazzo mentale. Une fois qu’on connaît les règles, le vrai travail a lieu sur la respiration, c’est elle qui permet les variations, qui donne l’amplitude des sentiments, des émotions. Si l’on s’attache seulement à la déclamation, tout est perdu. » – Brigitte Jaques-Wajeman

[Bibliographie : J.-C. Milner et F. Regnault, Dire le vers. Court traité à l’intention des acteurs et des amateurs d’alexandrins, Paris, Seuil, 1987, rééd. Verdier, 2008.]

Cet atelier, ouvert à tous, est associé à l’atelier hebdomadaire de pratique théâtrale « Actualiser les classiques », animé par Marc Douguet, et réunissant une troupe d’étudiants autour d’un projet de mise en scène du Misanthrope.

Publié le  6 mars 2024
Mis à jour le  6 mars 2024