Le justicier emblématique est un homme blanc, réactionnaire et xénophobe, décidé à protéger ses biens et l’honneur des siens contre le fléau de la délinquance. Cet archétype, qu’incarne par exemple le lyncheur de l’Amérique ségréguée ou aujourd’hui le vigilante qui chasse les migrants à la frontière mexicaine, est loin d’épuiser la galerie de portraits des redresseurs de torts. D’une part, les organisations révolutionnaires et les classes dominées engendrent souvent leurs propres rédempteurs ; d'autre part, en Amérique du Sud, en Inde ou aux Philippines, policiers et paramilitaires assument, eux aussi, des fonctions punitives au service du pouvoir en place et dans le cadre de leur fonction. Tous ces justiciers auto-proclamés ont en commun leur exaspération devant les lenteurs d’une procédure pénale décriée pour son laxisme. Les réseaux sociaux leur assurent un public devant lequel ils s’improvisent détectives, juges et bourreaux. Adeptes d’une justice spectaculaire et exemplaire, ils sont enclins à s’en prendre aux corps. Qu’en est-il en France aujourd'hui : notre société serait-elle immunisée contre le développement des justiciers hors-la-loi ?

Informations complémentaires

Gilles Favarel-Garrigues est directeur de recherche au CNRS, au Centre de Recherches internationales (CERI) de Sciences Po. Il a publié avec Laurent Gayer Fiers de punir. Le monde des justiciers hors-la-loi (Le Seuil, 2021). Son dernier livre s'intitule La verticale de la peur. Ordre et allégeance en Russie sous Poutine (La découverte, 2023).