Températures extrêmes durant la grossesse : un impact possible sur le développement pulmonaire des nourrissons filles

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le  20 mars 2023
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Les températures extrêmes pourraient avoir un impact sur la santé dès l’exposition au stade fœtal. C’est ce que suggère une étude menée par des chercheuses et chercheurs de l’Inserm, de l’Université Grenoble Alpes et du CNRS, à partir de la cohorte SEPAGES [1] , destinée à étudier l’impact de plusieurs facteurs environnementaux sur la santé de la femme enceinte et de l’enfant. Dans ces travaux, publiés le 17 mars 2023 dans JAMA Network open, des associations ont été retrouvées chez les petites filles, entre l’exposition in utero à des températures ambiantes très élevées ou très basses dès le second trimestre de grossesse et une altération de plusieurs paramètres respiratoires.
La thermorégulation mise en place par le corps en réponse aux variations de température exige une adaptation du flux sanguin et de la fonction cardiaque maternelle qui, lorsqu’elle survient au cours de la grossesse, peut se faire au détriment du fœtus. Des altérations physiologiques ont d’ailleurs été observées chez l’animal en réponse à des stress thermiques comme des anomalies de développement placentaire avec un flux sanguin réduit, ou du stress oxydatif – qui, hors des conditions normales, peut impacter la santé de la mère et de la descendance. La température extérieure pourrait donc avoir un impact sur le développement embryonnaire et fœtal.

Une équipe, menée par les chercheuses Inserm Johanna Lepeule et Ariane Guilbert au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/UGA/CNRS), a souhaité vérifier cette hypothèse en utilisant les données de la cohorte SEPAGES (Suivi de l’Exposition à la Pollution Atmosphérique durant la Grossesse et Effet sur la Santé). Composée de femmes enceintes et des enfants issus de leurs grossesses, cette cohorte permet d’étudier l’effet de différents facteurs environnementaux sur la santé.

Une exposition modélisée tout au long de la grossesse

Les chercheuses et chercheurs ont modélisé l’exposition aux températures ambiantes de 343 femmes et de leurs enfants, depuis la conception jusqu’aux premières semaines de vie du nourrisson. En parallèle, ils ont évalué la fonction respiratoire des nouveau-nés six à sept semaines après la naissance environ. Différentes mesures ont permis de calculer le volume d’air inspiré et expiré à chaque respiration (appelé volume courant), la fréquence respiratoire (nombre de respirations par minute) ou encore la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), qui correspond au volume d’air restant dans les poumons après une expiration [2].

Comme le développement fœtal et la fonction respiratoire présentent de légères différences selon le sexe, l’équipe de recherche a également comparé les résultats entre les filles et les garçons.

Des associations variables selon le sexe

Chez les garçons, les scientifiques n’ont pas observé d’altérations significatives de la fonction pulmonaire associées à la température extérieure pendant la grossesse. En revanche, ils ont constaté que les filles exposées in utero dès le second trimestre de grossesse aux températures les plus élevées ou aux températures les plus basses présentaient une CRF moins importante et une fréquence respiratoire plus élevée que celles exposées à des températures plus proches de la moyenne.
Les filles exposées pendant la grossesse de leur mère à des températures très basses présentaient, en outre, un volume courant diminué.

« Les variations observées ne sont pas de nature pathologique et ne permettent pas de prédire un trouble respiratoire par la suite, précise Johanna Lepeule, mais les différentes mesures de la fonction pulmonaire réalisées convergent toutes vers une association chez la petite fille entre exposition in utero aux températures élevées ou basses et de moins bonnes performances pulmonaires chez le nouveau-né. »

De nouvelles analyses sur les données respiratoires collectées chez les enfants à 3 et 8 ans devront être effectuées afin de déterminer si ces associations persistent sur le long terme ou si elles sont réversibles dans le temps. En attendant, « ces résultats sous-tendent l’importance de développer des politiques publiques pour protéger les femmes enceintes et leurs enfants des températures extrêmes, en particulier dans le contexte actuel de réchauffement climatique », conclut Johanna Lepeule.
Notes
[1] La cohorte couple-enfant SEPAGES (Suivi de l’Exposition à la Pollution Atmosphérique durant la Grossesse et Effet sur la Santé), coordonnée par l’Inserm et l’Université Grenoble Alpes, vise à caractériser l’exposition des femmes enceintes et des enfants aux contaminants de l’environnement et à étudier l’effet de ces contaminants sur la santé de la femme enceinte, du fœtus et de l’enfant.
[2] Ce volume résiduel a un rôle essentiel dans le maintien de la fonction pulmonaire : le poumon étant élastique, il se rétracte lors du relâchement musculaire permettant l’expiration. Le volume résiduel permet, en fin d’expiration, de limiter les forces de rétractation qui s’exercent sur les poumons afin que les territoires pulmonaires restent ouverts aux échanges gazeux (O2 et CO2 essentiellement). Dans le cas contraire, le poumon se refermerait sur lui-même, les alvéoles s’affaisseraient et les échanges gazeux ne pourraient donc plus avoir lieu.
Publié le  20 mars 2023
Mis à jour le  7 avril 2023