Que voit un photon qui arrive dans la neige ?

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le  7 juillet 2023
Des scientifiques de l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble (IGE - CNRS/Inrae/IRD/UGA – Grenoble INP-UGA), du Centre d’études de la neige (CEN - CNRM/Météo-France/CNRS) et du Groupe de Météorologie Expérimentale et Instrumentale (GMEI / CNRM / Météo-France - CNRS) ont développé une nouvelle approche pour mesurer l'interaction entre la neige et la lumière du soleil. Cette méthodologie est importante pour améliorer la précision des modèles climatiques. Leurs résultats ont été publiés dans Nature Communications.
La neige, une fois déposée au sol, est un matériau composé d’air et de cristaux de glace, dont la forme et l’arrangement sont très variables à l’échelle micrométrique. C’est ce qu’on appelle la microstructure de la neige (Figure 1). Cette « mousse » de glace et d’air gouverne la propagation de la lumière au sein du manteau neigeux par le biais de phénomènes de réfraction et réflexions internes dans la glace.

Cependant, bien qu’elle soit extrêmement complexe et irrégulière, la neige naturelle est encore représentée de manière simpliste dans presque tous les modèles optiques, tels que ceux implémentés dans les modèles climatiques. Ces modèles représentent généralement la neige comme une collection de particules de glace avec une forme géométrique parfaite, et principalement des sphères. Parmi les nombreuses implications pour le bilan énergétique de la neige, cette simplification conduit à des incertitudes conséquentes dans la modélisation du climat, avec des impacts potentiels allant jusqu’à 1.2°C sur la température de l’air à l’échelle globale.

microstructure de neige
Figure 1. Exemple d’une microstructure de neige. Dans ce cas c’est de la neige fraîche.
Dans cette nouvelle étude, les auteurs de l'Institut des Géosciences de l'Environnement de Grenoble (IGE / CNRS - INRAE - IRD - UGA - Grenoble INP-UGA), le Centre d'Etudes de la Neige (CEN / CNRM / Météo-France - CNRS) et le Groupe de Météorologie Expérimentale et Instrumentale (GMEI / CNRM / Météo-France - CNRS) ont simulé avec précision la propagation de la lumière dans une collection d'images 3D de la microstructure de la neige obtenues par tomographie à rayons X, en utilisant un modèle de tracé de rayons. Des types de neige très différents ont été étudiés, de la neige fraîche (PP) aux formes gelées (MF). Certaines images ont été obtenues au laboratoire 3SR. Plusieurs microstructures de neige ont nécessité une résolution plus élevée et ont été acquises à la ligne de faisceau ID19 de l'ESRF.
forme optique de la neige
Figure 2. La forme optique de la neige, définie et quantifié par deux paramètres : le paramètre d’amplification de l’absorption B et le paramètre d’asymétrie géométrique gG. Le message clé à garder : la neige couvre une zone de la figure totalement différente de celle couverte par les formes géométriques simples.
Leurs résultats montrent que, du point de vue de la lumière solaire, la neige n’est pas équivalente à des sphères ou à d’autres formes simples, contrairement à ce qui se fait actuellement dans une grande partie des schémas optiques des modèles de neige (Figure 2). Pour la première fois, des valeurs précises de la forme optique de la neige ont été déduites, des valeurs qui peuvent être directement utilisées dans les modèles de climat au détriment de l’hypothèse de la sphéricité. Selon leur estimation, les incertitudes liées à la forme optique de la neige dans ces modèles seraient divisées par 3. Ces résultats montrent au même temps que, malgré les très différentes microstructures de neige, la distance parcourue par la lumière solaire dans la glace est, en moyenne, toujours la même. C’est à dire, la neige est fondamentalement ergodique.

Ces travaux constituent un changement de paradigme dans la manière dont la neige est représentée dans les modèles optiques. Au-delà des simulations climatiques, ces résultats peuvent être bénéfiques partout où l’optique de la neige est importante, de la photochimie de la neige aux algorithmes de télédétection.

Frédéric Flin, co-auteur de l'étude et responsable de MiMESis-3D, un projet ANR consacré au métamorphisme et aux propriétés de la neige à partir d'images 3D, est un utilisateur de longue date de l'ESRF. Il explique la valeur de l'installation pour les recherches complexes sur la neige : "Les expériences menées sur l'ID19 fournissent des données de tomographie d'excellente qualité sur des échantillons de neige ou de matériaux gelés, en utilisant des cellules froides spécialement dédiées."

Flin et ses collègues peuvent suivre l'évolution cristalline de chacun des grains de glace et la façon dont la microstructure de la neige évolue en fonction des conditions thermiques. Ils travaillent à l'amélioration de la connaissance et de la modélisation du manteau neigeux, pour des applications liées au risque d'avalanche ou à l'impact de la neige sur le système climatique.
Publié le  7 juillet 2023
Mis à jour le  20 juillet 2023