Pourquoi est-il plus facile de faire d’énormes bulles de savon que des petites ?

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le  16 juin 2023
En étudiant la cinétique de croissance de bulles au bout d’une paille, des scientifiques du laboratoire interdisciplinaire de physique (LIPhy – CNRS/UGA), ont montré que sous certaines conditions la croissance des bulles est instable et que leurs volumes augmentent très rapidement d’une forme à une autre. Une étude publiée fin mai dans Physical Review Fluids.
Les bulles sont omniprésentes dans de nombreux domaines de l'ingénierie. Elles peuvent par exemple servir de microréacteurs controlés pour étudier certaines réactions chimiques délicates en microfluidique (un domaine d’activité ayant permis des avancées significatives dans des secteurs industriels de pointe, notamment ceux associés à l’encapsulation de produits à haute valeur ajoutée). Ainsi, contrôler la formation de microbulles ou gouttes est un enjeu important. Pourtant, malgré la simplicité de ces objets, il reste une part d’empirisme dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la facon dont les puces microfluidique sont alimentées en liquide.

La croissance des bulles de savon à la loupe

Dans une étude publiée le 22 mai dans Physical Review Fluids, Marc Grosjean et Elise Lorenceau du LIPhy, examinent la taille et la dynamique de formation des bulles de savon soufflées à partir d'un tube cylindrique - une géométrie simplifiée à l’extrême par rapport à celles appréhendées en microfluidique mais qui demeure la géométrie de référence pour la formation de bulles et de gouttelettes. Un côté du tube est fermé par un film de savon, l'autre est relié à un grand réservoir de volume variable rempli de gaz. Lorsque l’on diminue le volume du réservoir, le film de savon se courbe et prend la forme d'une calotte sphérique dont la croissance est instable. Parmi les paramètres qui gouvernent cette instabilité, on trouve logiquement le diamètre de la paille et des propriétés caractéristiques de la solution savonneuse, mais aussi le volume du réservoir utilisé pour stocker l’air, un paramètre souvent négligé.

Ainsi, selon les conditions de gonflage certaines tailles de bulles seront impossibles à atteindre. Des grosses, voire des très grosses se formeront mais pas des petites.
Séquence montrant le gonflement d’une bulle au cours du temps et son inflation soudaine. La taille de la paille, en noir, est de 0,3 millimètre. M.GROSJEAN/PHYSICAL REVIEW FLUIDS
Séquence montrant le gonflement d’une bulle au cours du temps et son inflation soudaine. La taille de la paille, en noir, est de 0,3 millimètre et les images sont séparées par 5 millisecondes. M.GROSJEAN/PHYSICAL REVIEW FLUIDS
« Dans notre étude, nous avons mis en évidence une instabilité lors du gonflage d'une bulle connectée, par une constriction, à un réservoir de volume donné. Si le volume pris est trop important ou que la constriction est trop fine, nous avons montré qu'il n'était pas possible de former de petites bulles. Dans un grand nombre d'expérience de microfluidique, la formation de bulle ou de goutte d'un diamètre précis est obligatoire. Cette étude permettra à l'avenir d'avoir une compréhension plus claire de la manière dont nos bulles ou gouttes se forment dans nos futures expériences. »

Incidemment, ce travail permet également de mieux comprendre pourquoi Édouard Manet et Jean Siméon Chardin ont représenté de si grosses bulles dans leurs célèbres tableaux intitulées les « bulles de savon » puisque les paramètres de l’expérience menée par les enfants soufflant ces bulles sont bien dans le régime instable identifié.

Publié le  16 juin 2023
Mis à jour le  22 juin 2023