L’ozone dans la basse atmosphère a augmenté modérément au XXème siècle

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le  13 juin 2019
Site LOCK-IN en Antarctique central © Patricia Martinerie, CNRS/IGE/IPEV
Site LOCK-IN en Antarctique central © Patricia Martinerie, CNRS/IGE/IPEV
De nouvelles mesures d’une variante isotopique très rare de l’oxygène dans l’air contraignent les variations de l’ozone dans l’ensemble de la basse atmosphère depuis la période préindustrielle.

Ce résultat, qui vient d’être publié dans Nature, a pu être obtenu grâce à des analyses inédites de cet isotope de l’oxygène dans des prélèvements dans la neige et la glace polaire, réalisés pour certains lors d’une expédition française au centre de l’Antarctique. L’étude a impliqué une collaboration entre deux équipes américaines et trois équipes françaises*, ainsi qu’une combinaison d’analyses et de modèles mathématiques. Elle révèle ainsi une information importante sur le rôle joué par l’ozone dans le réchauffement climatique, qui aurait contribué à un accroissement de l’énergie conservée à la surface de la planète de 0,33 Watts/m2 (moins de 0,4 Watts/m2) entre les années 1850 et 2005

Site LOCK-IN en Antarctique central © Jérôme Chappellaz, CNRS/IGE/IPEV

Site LOCK-IN en Antarctique central. A gauche : dispositif de prélèvement d’air dans le névé, au centre : dispositif de forage, à droite : zone de traitement des carottes de neige et glace.© Jérôme Chappellaz, CNRS/IGE/IPEV
 

L’ozone joue un rôle important et complexe dans l’atmosphère. La couche d’ozone dans la haute atmosphère nous protège des rayons ultra-violets, alors que l’ozone au niveau du sol est un oxydant qui irrite les yeux et les poumons. De plus, l’ozone dans l’ensemble de la basse atmosphère (la troposphère) est le troisième gaz à effet de serre produit par l’activité humaine par ordre d’importance. Contrairement aux deux plus importants : le gaz carbonique et le méthane, ce gaz n’est pas réparti quasi-uniformément dans l’atmosphère. L’ozone est produit et détruit par des réactions chimiques rapides qui conduisent à une répartition complexe et un temps de résidence court dans l’atmosphère. Ces caractéristiques de l’ozone rendent ses effets sur le réchauffement climatique passé et futur difficiles à estimer. La mesure inédite d’une molécule naturelle mais très rare a permis aux scientifiques de retracer les variations passées de l’ozone dans la troposphère.

L’atome d’oxygène comprend plusieurs variantes de masses différentes, avec plus ou moins de neutrons dans le noyau atomique : ses isotopes. L’isotope de nombre de masse 18 est beaucoup moins abondant que l’isotope de masse 16. L’équipe de Rice University a récemment inventé une technique pour mesurer le nombre de molécules d’oxygène composées de deux atomes rares d’oxygène 18 (18O18O). La probabilité de former cette molécule est comparable à celle qu’une même personne gagne deux fois à un jeu de hasard : il y a seulement quatre molécules de 18O18O par million de molécules d’oxygène.  Les chercheurs ont mesuré la différence entre l’abondance réelle de cette molécule et celle qu’elle aurait si les atomes d’oxygène 18 se combinaient complètement au hasard. Cette petite différence est principalement liée à la chimie de l’ozone, qui possède la particularité d’échanger ses isotopes avec l’oxygène dans l’ensemble de l’atmosphère.

Des mesures ont été réalisées dans trois carottes de glace couvrant les derniers siècles et, pour les dernières décennies, dans l’air interstitiel du névé (la neige compactée) au site de LOCK-IN situé à 135 km de la station Antarctique franco-italienne Concordia. Les équipes françaises ont aussi développé une méthode de calcul du comportement de l’oxygène 18O18O inclue dans un modèle de transport des gaz dans le névé et la glace pour reconstruire l’histoire atmosphérique de ce traceur depuis le milieu du XIXème siècle. Les résultats indiquent une augmentation significative mais modérée de l’ozone dans la basse atmosphère : moins de 40% au XXème siècle, en accord avec des modèles récents de chimie atmosphérique. Des mesures d’ozone réalisées à la fin du XIXème siècle ont au contraire suggéré des augmentations allant jusqu’à 300%, que les modèles atmosphériques actuels ont du mal à reproduire. Les nouveaux résultats indiquent que ces fortes augmentations ont probablement affecté uniquement le voisinage du sol plutôt que toute la basse atmosphère. Elles renforcent la confiance dans les modèles actuels de chimie atmosphérique pour prédire l’effet de serre dû à l’ozone à la fois dans le passé et le futur.

*Equipes de recherche du projet : Rice University, Texas, USA ; University of Rochester, New-York, USA ; Institut des Géosciences de l’Environnement, Grenoble (CNRS, UGA, IRD, G-INP), Grenoble Image Parole Signal Automatique (GIPSA-lab, UGA, CNRS, G-INP) ; et Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, Gif-sur-Yvette (L-IPSL,CNRS, CEA, UVSQ, Université Paris Saclay)

Publié le  14 décembre 2019
Mis à jour le  15 décembre 2019