Le CO2 comme tensioactif de ligne dans un nanopore

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le  6 septembre 2021
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À l'instar de l'effet des produits tensioactifs agissant sur les surfaces entre deux milieux comme l'eau et l'air, il peut exister un effet tensioactif sur les lignes séparant trois milieux. Des physiciens du Laboratoire interdisciplinaire de physique à Grenoble (LIPhy, CNRS/UGA) ont montré pour la première fois un tel effet pour du dioxyde de carbone (CO2) en contact avec une goutte d'eau confinée dans un nanopore. Ce résultat de recherche a fait l'objet d'une publiation dans la revue PNAS le 17 août 2021.
La tension de surface caractérise l'énergie propre à l'interface entre deux corps, telle que la surface d’une goutte d'eau dans l'air ou d’une bulle d'air dans de l'eau. Un tensioactif, comme le savon ou les détergents, est un produit qui se fixe à l'interface. Il modifie cette tension de surface et plus généralement les propriétés mécaniques de l’interface. Il facilite ainsi la formation de bulles et stabilise la mousse. Lorsqu'il y a un troisième corps, comme dans le cas d’une goutte d'eau dans l'air reposant sur un substrat solide, apparaît une ligne au contact de ces trois corps. Pour caractériser l’énergie de cette ligne de contact, on parle alors de tension de ligne. En pratique, les effets de tension de ligne concernent essentiellement les objets de taille nanométrique et, bien que le concept de tension de ligne ait été proposé par J. W. Gibbs il y a 150 ans, ses propriétés sont encore mal comprises et difficiles à appréhender : la mesure de la tension de ligne reste un défi tant expérimental que numérique.

En utilisant des simulations numériques de dynamique moléculaire, et grâce à une nouvelle approche fondée sur une mesure de force, des physiciens du Laboratoire interdisciplinaire de physique à Grenoble (LIPhy, CNRS/UGA) ont réalisé pour la première fois une estimation précise et sensible de l'effet d'un gaz sur la tension de ligne en démontrant l'effet tensioactif du CO2. Dans le cas d'une goutte d'eau confinée dans un nanopore avec une vapeur riche en CO2, ils ont calculé la modification de la tension de ligne due à l'accumulation des molécules de CO2 sur la ligne de contact entre la goutte d'eau et la paroi d'un nanopore (figure). De même que les produits tensioactifs abaissent la tension de surface, la présence de CO2 abaisse la tension de ligne, d'autant plus fortement que la pression de CO2 est élevée, et nettement plus fortement dans le cas d'une paroi hydrophile qu'hydrophobe. Cette étude est publiée dans la revue PNAS.

Ces résultats montrent que les effets mécaniques induits par un tensioactif de ligne sur la tension de ligne peuvent jouer un rôle clé sur les phénomènes de nucléation. Les domaines concernés sont très variés, avec comme point commun la contribution de structures nanométriques telles que des nanopores ou des nanoparticules en contact avec différentes phases : séquestration du CO2 dans des roches poreuses, purification et dessalement d’eau par membranes nanoporeuses, électrodes poreuses et phénomènes d’électrolyse, phénomènes d’ouverture / fermeture de nanopores biologiques ou encore la formation des nuages par condensation sur les nanoparticules atmosphériques pour ne citer que quelques exemples. La question est maintenant ouverte de savoir si d'autres gaz que le CO2 agissent de manière similaire !

Figure 1
Figure : champ de concentration en CO2 calculé pour une goutte d'eau confinée dans un pore nanométrique. On visualise avec les couleurs chaudes l'accumulation de CO2 au voisinage des deux lignes de contact entre les phases solide, liquide et gazeuse (perpendiculaires à l’image).
Les calculs montrent que la tension de ligne peut être modifiée de façon significative, jusqu'à un facteur 10 pour une pression en CO2 de 5 MPa (50 bar) et pour un paroi hydrophile.

La version originale de cet article a été publiée sur le site du CNRS.

Publié le  6 septembre 2021
Mis à jour le  10 septembre 2021