Anciens rétrovirus et psychoses : un lien enfin identifié !

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le  17 juillet 2020
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Une étude translationnelle sur l’homme et l’animal, parue dans Science Advances, établit un lien clair entre la présence dans le sang de la protéine de l’enveloppe des rétrovirus endogènes humains, la perturbation de la communication synaptique et la manifestation de symptômes psychotiques. Fruit de la collaboration entre des équipes membres de la Fondation FondaMental appartenant à l’Institut Interdisciplinaire des Neurosciences de Bordeaux, l’Université de Bordeaux, le CNRS, l’Université Paris Est Créteil, l’Inserm, l’Université Grenoble Alpes, GeNeuro et l’Université de Lyon, cette étude a reçu le soutien financier du Prix Marcel Dassault pour la recherche sur les maladies mentales.

De l’influence supputée de l’"ADN inutile"...

Bien qu'une quantité substantielle de notre ADN ait été initialement classée comme « ADN inutile », il est devenu de plus en plus évident que les produits de ces régions peuvent affecter le fonctionnement de certains organes. Les rétrovirus endogènes humains (HERV), trouvés dans ces régions génomiques « non codantes », représentent environ 8% du génome humain et sont des vestiges d'infections survenues il y a plusieurs millions d'années dans l'ADN de nos ancêtres.

Ces gènes sont normalement réduits au silence mais, dans des conditions d'infections et dans des maladies neuropsychiatriques, ils produisent les protéines HERV qui peuvent être détectées chez les patients. Cela soulève la question du rôle des protéines rétrovirales dans l'étiologie de diverses maladies psychiatriques, telles que les troubles psychotiques.

... à la démonstration du rôle des rétrovirus endogènes humains

Dans cette étude translationnelle, des neurobiologistes (Bordeaux), virologues (Genève, Grenoble), psychiatres (Créteil) et immunologistes (Créteil) ont uni leurs forces pour dévoiler que la protéine HERV-W Enveloppe (HERV-Env), qui est présente dans la circulation sanguine d'environ 50% de patients atteints de psychose, est un puissant régulateur de la transmission glutamatergique (~ 80% de la transmission synaptique dans le cerveau*).

Schématiquement, la protéine HERV-Env corrompt la dynamique membranaire et l'organisation des récepteurs NMDA glutamatergiques, la plasticité des synapses glutamatergiques, l'activité des réseaux neuronaux et induit des comportements de « type psychotique » chez les rongeurs adultes qui expriment HERV-Env. Ces travaux ont toutefois permis de démontrer que la protéine HERV-Env n’a pas d’effet direct et que les retentissements cellulaires et comportementaux sont déclenchés par la libération de cytokines des cellules gliales. Impliquées dans la réponse immunitaire, ces molécules s’expriment à l’excès en présence de la protéine HERV-Env, déstabilisent et altèrent les fonctions du récepteur NMDA.

Un espoir pour demain autour de nouvelles stratégies thérapeutiques

Cette étude fournit ainsi un substrat biologique reliant l'interaction pathologique bien connue entre infection, génétique et dysfonction cérébrale dans les troubles psychotiques. Elle suggère également les effets délétères de la protéine HERV-Env sur le processus de maturation cérébrale et ce, dès le plus jeune âge. Enfin, elle ouvre de nouvelles stratégies thérapeutiques, avec des essais en cours, pour lutter contre les produits issus de rétrovirus endogènes et maintenir la physiologie et la plasticité de la transmission glutamatergique.
 
Note
* Le glutamate est un neurotransmetteur essentiel à la transmission d’information entre les neurones grâce à l’action des récepteurs NMDA situés au niveau de la synapse
Publié le  17 juillet 2020
Mis à jour le  21 juillet 2020