Les poussières de la comète Tchouri livrent le secret de leur composition

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Surface du noyau cométaire vue par la sonde Rosetta
Surface du noyau cométaire vue par la sonde Rosetta
Une équipe scientifique internationale impliquant des chercheurs de l’UPEC, des universités d’Orléans, Paris-Sud et Grenoble Alpes, et du CNRS, a déterminé la composition élémentaire des poussières de la comète Tchouri explorée par la mission Rosetta de l’ESA.
Ces mesures révèlent l’un des matériaux les plus riches en carbone et les moins altérés jamais explorés dans le Système solaire. Ce carbone cométaire se trouve essentiellement sous forme de matière organique macromoléculaire et c’est donc principalement sous cette forme qu’il a pu être délivré sur la Terre primitive par les comètes et éventuellement contribuer à l’apparition de la vie.

Ces résultats, obtenus à partir des mesures de l’instrument COSIMA, sont publiés dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (Oxford University Press) le 1er décembre 2017

La sonde spatiale Rosetta de l’ESA a navigué pendant deux ans autour du noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (Tchoury) et l’a scrutée dans les moindres détails. Plus d’un an après la fin de la mission (septembre 2016), elle a déjà livré une multitude d’informations sur le noyau et son activité : sa taille, sa masse, la nature et les abondances des molécules présentes sous forme gazeuse dans la chevelure de la comète (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, dioxygène et une multitude de petites molécules organiques, c’est-à-dire composées principalement de carbone, hydrogène, azote et oxygène). Les scientifiques connaissent maintenant presque dans les moindres détails l’apparence du noyau. Sa surface est très sombre, très pauvre en glaces, changeante, et présentant une géomorphologie complexe (des failles, des falaises, des gouffres etc.), mais le détail de sa composition chimique et en particulier, la quantification de son contenu carboné supposé être au moins en partie à l’origine de cette couleur sombre, restait jusqu’ici objet de débats et d’hypothèses.

Rosetta capture et analyse des particules de poussière cométaire

COSIMA est un instrument se trouvant à bord de la sonde Rosetta. Il avait pour tâche de collecter les poussières submillimétriques éjectées par le noyau de la comète, les photographier, puis en analyser une partie par spectrométrie de masse à temps de vol et ionisation secondaire (TOF-SIMS). Un an après avoir révélé que la poussière de la comète contenait un matériau carboné de structure macromoléculaire[1], l’équipe scientifique de l’instrument COSIMA a pu déterminer la composition élémentaire moyenne de ces poussières et démontrer que ce matériau carboné macromoléculaire représente près de la moitié de la masse de ces particules cométaires. L’autre moitié est constituée essentiellement de minéraux silicatés. Les mesures de COSIMA qui se sont étalées tout le long des deux années de la mission Rosetta montrent que toutes les poussières analysées présentent une composition similaire, quelles que soient leur date de collecte, leur taille ou leur morphologie, ce qui laisse penser qu’il s’agit là d’une propriété générale à tout le noyau.


Crédits photos : à gauche ESA /Rosetta /MPS for OSIRIS Team MPS /UPD / LAM  / IAA / SSO / INTA / UPM / DASP /IDA, à droite : ESA /Rosetta / MPS for COSIMA Team MPS / CSNSM / UNIBW / TUORLA / IWF / IAS / ESA / BUW / MPE / LPC2E / LCM / FMI / UTU / LISA / UOFC / vH&S.

À gauche, la surface du noyau cométaire vue par la sonde Rosetta. Les glaces condensées sous la surface s’échappent des profondeurs de la comète lorsque celle-ci est réchauffée à l’approche du Soleil. Les émissions de gaz produits entrainent avec eux de petites particules de matière solide qui peuvent être collectées et analysées par la sonde Rosetta. À droite, une cible de collecte (1 cm x 1 cm) de l’instrument COSIMA montrant de minuscules fragments du noyau, de tailles allant jusqu’au millimètre, l’ayant impactée. Toutes ces poussières sont constituées d’un mélange intime à 50/50 (en masse) de minéraux silicatés et de matériau organique.

Une forme de mémoire préservée de notre Système solaire

Les comètes comme Tchouri (ou précédemment la comète Halley) sont donc parmi les objets les plus riches en carbone du Système solaire. Les résultats obtenus à partir des mesures de COSIMA donnent un rapport d’abondance carbone sur silicium (C/Si) très proche du rapport solaire et indiquent l’absence d’une hydratation notable des phases minérales. Ces informations signent la nature primitive du matériau cométaire. Celle-ci a préservé quasi intacte la matière qui s’est accrétée et lui a donné naissance. Les comètes sont donc bien une certaine forme de mémoire préservée de l’histoire ancienne de notre Système solaire.

Crédit : ESA /Rosetta /MPS for COSIMA Team MPS / CSNSM / UNIBW / TUORLA / IWF / IAS / ESA / BUW / MPE / LPC2E / LCM / FMI / UTU / LISA / UOFC / vH&S.

À gauche : la composition élémentaire moyenne des particules de poussière de la comète Tchouri. À droite : la répartition moyenne en masse des minéraux et du matériau organique dans ces poussières.

La nature du carbone cométaire délivré à la Terre primitive

Par ailleurs, au-delà de la spectaculaire diversité moléculaire observée pour la matière organique détectée en phase gazeuse, ces gaz et les glaces sublimées qui en sont à l’origine ne représentent qu’une très faible fraction de la matière cométaire totale. L’essentiel de la matière cométaire est constitué par ce mélange intime de minéraux et de matière carbonée solide mesurée dans les poussières. Ainsi, les résultats de COSIMA montrent que la plus grande partie de la matière organique de la comète Tchoury se trouve sous la forme de matière carbonée macromoléculaire. En conséquence, si les comètes ont joué un rôle dans l’apparition de la vie sur notre planète en y apportant en particulier de la matière riche en carbone, c’est sous cette forme macromoléculaire complexe qu’elle y aura été essentiellement délivrée.

Ces travaux ont été financés en grande partie par le CNES et le Labex ESEP. La mission Rosetta fait partie du programme Horizon 2000 de l'ESA. De nombreux laboratoires de recherche français et le CNES contribuent à cette mission à plusieurs égards.

> Lire l’article paru dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (Oxford University Press)



Publié le1 décembre 2017
Mis à jour le1 décembre 2017