Les calottes groenlandaise et antarctique sous un climat 1,5 °C plus chaud que l’actuel

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Que deviendraient les calottes polaires dans un monde plus chaud de 1,5 °C, si l’atténuation du changement climatique récemment mise en relief par le GIEC était atteinte (COP21, accord de Paris) ? Un examen de l’état des connaissances par une équipe internationale comprenant des chercheurs de l’Institut des géosciences de l'environnement suggère que les prévisions actuelles sur ce sujet sont incertaines en raison de la compréhension limitée des changements de la circulation atmosphérique autour du Groenland et de la circulation océanique autour de l'Antarctique. Cependant, l'étude conclut qu'il est important de limiter le réchauffement de la planète d'ici 2100 à 1,5°C pour minimiser le risque d’atteindre des points de basculement qui accéléreraient considérablement la fonte des calottes polaires et donc l’augmentation du niveau de la mer.
Aujourd'hui, en raison des activités humaines provoquant un réchauffement global, la montée du niveau de la mer est d’environ 4 mm par an et est en pleine accélération. Les principales contributions à cette hausse sont l'expansion thermique des océans, la fonte des glaciers et la fonte de plus en plus importante des calottes polaires du Groenland et de l'Antarctique. Ces calottes polaires sont communément appelées les "géants endormis" de la Terre, car, dans l’éventualité où elles fondraient totalement, elles feraient monter le niveau des mers de plus de 70 mètres. Si une perte de glace très importante nécessite évidemment des échelles de temps longues (plusieurs millénaires), elle peut néanmoins être engagée sous quelques générations humaines. On estime en effet que les deux calottes polaires peuvent atteindre des points de basculement dès que le réchauffement passe le seuil de 1,5 à 2,0 °C, entraînant une perte de masse irréversible à l’échelle d’au moins 5 000 ans (temps minimum pour reconstruire une calotte glaciaire). Pour le Groenland, cela est dû à la fonte accrue de la calotte polaire, tandis que pour l'Antarctique, cela est dû aux instabilités marines de certains secteurs de la calotte polaire, en particulier de la calotte polaire de l’Antarctique de l’Ouest. Atteindre ces points de basculement entraînerait une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres sur des échelles de temps allant de siècles aux millénaires, ce qui remettrait en cause l’existence même des petits États insulaires et aurait des conséquences dramatiques pour les villes côtières du monde entier.



Glaciers traversant la chaîne trans-antarctique, l’un d’eux aboutissant à la langue de glace Drygalski (à gauche). Cette dernière est un exemple de ces plateformes flottantes qui se forment quand la glace de l’Antarctique s’écoule vers les côtes sous forme de grands glaciers qui viennent flotter sur l’océan. Ces plateformes sont particulièrement sensibles au réchauffement de l’océan et leur amincissement/disparition déstabilise les glaciers situés en amont.

Les chercheurs estiment que limiter le réchauffement de l'atmosphère à 1,5 °C évitera les surprises à court et à long terme dues aux deux calottes polaires et réduira considérablement les coûts d'adaptation car l'élévation du niveau de la mer sera limitée et non catastrophique. Ils mentionnent que les calottes polaires constituent la première cause d’incertitude dans les projections de niveau des mers. Cette étude, qui a réuni des experts de différentes disciplines, indique la direction des progrès à faire pour réduire cette incertitude et sa relation avec l’amplitude du changement climatique lui-même.

Ce travail a été effectué dans le cadre du groupe d’experts Ice sheet mass balance and sea level (ISMASS). Créé en 1993 en tant que groupe de travail du Scientific committee on antarctic research (SCAR) sur le bilan de masse de l'Antarctique et la contribution du niveau de la mer. Ce groupe a depuis étendu ses activité à l’arctique et est également soutenu par CliC (programme du WCRP) et IASC (International arctic science committee).

Cette actualité a été publiée par le CNRS-INSU.

Notes

Institut des géosciences de l'environnement (IGE / OSUG) : CNRS / IRD / Université Grenoble Alpes / Grenoble INP.


Publié le19 novembre 2018
Mis à jour le19 novembre 2018