Rio 2016 (1) : une ambitieuse politique sportive fédérale au service de la réussite

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Pelé, dieu vivant au Brésil, ici en 1987 © Cliff / Flickr, CC BY
Pelé, dieu vivant au Brésil, ici en 1987 © Cliff / Flickr, CC BY
Alors que les Jeux olympiques de Rio se sont achevés, et que les Jeux paralympiques vont débuter le 7 septembre, retour en trois volets sur cet événement marquant pour le Brésil.
Accueillir une compétition internationale de la dimension des JO d’été, qui mobilise pendant une quinzaine les délégations – numériquement plus ou moins fortes – de plus de 200 nations, implique de faire bonne figure par le biais des infrastructures sportives et autres exigées par le cahier des charges du CIO. Mais il s’agit également de proposer une organisation efficiente et d’adresser au monde et à son propre peuple un message par le biais des résultats sportifs, des exploits réalisés et par le nombre de médailles conquises.

Aussi, l’État fédéral, par le biais du ministère des Sports, et le mouvement sportif par celui du Comitê Olímpico do Brasil (COB) et des confédérations, ont-ils mis sur pied une politique en direction de l’élite. Mais auparavant, sans remonter à ses débuts au XIXe siècle, précisons les grands principes de la politique sportive des trois dernières décennies au Brésil.

Le sport dans la Constitution

Après la dictature militaire (1964-1985), la nouvelle Constitution promulguée le 5 octobre 1988 établit la liberté d’association à des fins licites, la dispense d’autorisation pour leur création, la non-ingérence de l’État dans leur fonctionnement, la protection des droits de reproduction de la voix humaine et de l’image relatives aux activités sportives. Elle établit aussi la compétence législative sur les questions sportives des trois entités politiques participant à la Fédération (l’État fédéral, les États fédérés/le District fédéral et les Municipes).

Dans son Article 217, la Constitution mentionne explicitement qu’il est du devoir de l’État d’encourager les pratiques sportives formelles et informelles comme étant un droit pour chacun. Elle reconnaît l’autonomie des entités sportives dirigeantes et des associations, autorise la destination de fonds publics pour la promotion prioritaire du sport éducatif et, dans des cas spécifiques, pour le sport d’élite. Elle accepte aussi le traitement différencié du sport professionnel et non-professionnel, et favorise la protection et l’encouragement des manifestations sportives nationales.

Un ministère des Sports autonome

La seconde étape a été de constituer un ministère des Sports autonome de celui de l’Éducation (MEC) dans lequel l’éducation physique et le sport étaient fondus jusqu’alors. Aussi, c’est sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) qu’Edson Arantes do Nascimento, plus connu sous le nom de Pelé, est nommé ministre extraordinaire des Sports. Il œuvre alors, non sans mal et face à de fortes résistances, à faire élaborer et voter une nouvelle loi, N° 9.615/98, orientée principalement vers le sport professionnel et la responsabilisation juridique des dirigeants par la transformation des clubs en société.

Cependant, le ministère existant et étant autonome, il doit alors justifier de son existence et de ses bienfaits, et pour cela élaborer une politique. Ainsi, sous le mandat de Caio Cibella de Carvalho est votée la Loi Agnelo/Piva du 16 juillet 2001, portée par les deux députés, qui accorde 2 % des enjeux de toutes les loteries fédérales au COB (85 %) et aux CPB (15 %), le Comité paralympique. Pour redistribuer les sommes recueillies suivant des critères techniques sérieux, est alors créé le Fundo Olímpico.

Bolsa Atleta et Bolsa Pódio : soutenir l’élite…

Cependant, le Brésil ayant obtenu en 2002 l’organisation des Jeux panaméricains (à Rio, en 2007), est créée, par la Loi N° 10.891 du 9 juillet 2004, la Bolsa Atleta (bourse de l’athlète) : il s’agit d’un ambitieux programme d’aide aux sportifs de performance qui sont classifiés en cinq catégories (Base, Estudiantil, Nacional, Internacional et Olímpica/Paraolímpica). La valeur de ces bourses varie de R$ 370 (près de 102 euros) à R$ 3 100 (853 euros). En 2005, 924 sportifs en bénéficient, mais 6 657 en 2013. Sur la période 2005-2013, plus de 31 000 bourses sont distribuées pour un montant total avoisinant R$ 440 millions (121 millions d’euros).

Après la désignation en 2009 de Rio pour l’organisation des JO 2016, il est nécessaire de renforcer le dispositif en faveur de l’élite. Est alors créée, par la Loi N° 12.395 du 16 mars 2011, la Bolsa Atleta Pódio, spécifiquement destinée aux athlètes qui figurent dans le Top 20 mondial de leur discipline et considérés comme pouvant potentiellement obtenir une médaille olympique. Ces sportifs doivent répondre à des critères définis et être validés par leur confédération et le COB. Ces bourses annuelles sont beaucoup plus conséquentes et s’étagent en quatre catégories allant de R$ 5 000 (1 376 euros) à R$ 8 000 (2 202 euros), R$ 11 000 (3 029 euros) et R$ 15 000 (4 130 euros).

… mais aussi développer la pratique de masse

Sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2010), outre les actions de grandes ampleurs prises dans le domaine social comme Fome Zero (Faim zéro), Bolsa Familia (Bourse familiale), la facilitation de l’accès à l’université publique (en particulier pour les Afro-Brésiliens), grâce à une économie et une conjoncture internationale très favorables, des mesures innovantes ont été appliquées au sport. D’abord, l’organisation de Conférences nationales afin de mettre ensemble et faire se rencontrer les acteurs (2004, 2006, 2010). Ensuite, des mesures concrètes, matérialisées par le financement de trois programmes, outre la Bolsa Atleta :

  • Programa Segundo Tempo : démocratiser la pratique et la culture sportive en promouvant le développement complet des jeunes comme facteur d’accès à la citoyenneté et à une meilleure qualité de vie, prioritairement dans les zones de vulnérabilité sociale ;

  • Projeto Esporte e Lazer da Cidade : proposer la pratique d’activités physiques et culturelles pour tous les groupes d’âge, les personnes handicapées, en encourageant l’interaction sociale ;

  • Programa Vida Saudável : proposer la pratique d’exercices physiques, d’activités culturelles et de loisirs pour les personnes âgées.

Conclusion

On peut ainsi constater que le Brésil s’est lancé dans une politique sportive volontariste sous le quadruple effet du retour à la démocratie (Constitution de 1988), de l’autonomisation politique du sport par la création du ministère, d’une économie favorable permettant la redistribution des richesses et, last but not least, sous la pression de l’organisation de méga événements sportifs comme les Jeux panaméricains de 2007 et les Jeux olympiques et paralympiques de 2016.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation le 31 août 2016.
Publié le31 août 2016
Mis à jour le8 février 2017