Un Apprentissage par projet à distance (APP), c’est possible !

Innovation pédagogique
Depuis le 17 mars 2020, les cours s’organisent en distanciel, avec des échanges via différents outils, mais concrètement comment ça se passe ? Deux enseignants de Polytech Grenoble, Orianne Jenck, enseignante chercheuse et maitre deconférence au laboratoire 3SR et Damien Ricotier, enseignant PRAG en mécanique des structures, responsable du département géotechnique et génie civil, nous expliquent comment ils ont adapté leurs méthodes de travail dans cette situation inédite.

L’Apprentissage Par Projet plus en détails

Ce cours en Apprentissage Par Projet sur la thématique « Ouvrage de soutènement en béton armé » a été mis en place en 2016, avec pour objectif pédagogique d’améliorer la motivation et l’investissement des étudiants dans leur apprentissage.

Cette méthode alterne travail individuel et travail de groupe dans la résolution d’un problème donné en mutualisant les matières « ouvrage de soutènement et béton armé » sur trois jours. L’intégralité de plusieurs chapitres ont directement été intégrés dans l’APP. Les étudiants qui participent à cet enseignement sont en 4e année et ont acquis une partie des connaissances scientifiques de bases dans ces disciplines.
 
Une adaptation au confinement aussi simple qu’un clic
Dans cette période particulière de pandémie, les étudiants et enseignants ont dû, pour la première fois dans l’histoire universitaire, poursuivre les projets débutés en présentiel à distance rapidement. Le confinement n’a pas altéré la qualité des échanges humains, ni même la motivation des étudiants. Au contraire, à quelques détails près, l’APP peut se dérouler à distance aussi bien qu’en présentiel.

Pour pallier les problèmes que pourraient rencontrer les étudiants dû au confinement, les horaires de la journée ont été allongés afin que chacun puisse s’organiser au mieux. La séance débute donc plus tôt le matin et se termine deux heures plus tard l’après-midi. Autre avantage, ces horaires permettent d’utiliser les connexions internet sur des périodes moins saturées.
 
APP à distance : les étapes clés
Les étudiants travaillent en groupe de cinq ou six maximum. Damien Ricotier a choisi de constituer des groupes en respectant la parité  femme / homme et en équilibrant les différents parcours post bac (IUT, Prépa, Prépa intégrée de Polytech).

L’organisation temporelle de l’APP est essentielle, et les différentes étapes sont planifiées de manière très précises en alternance entre travail individuel et collectif. La présentation de lancement du projet le premier jour permet d’abord de se remettre en tête des notions nécessaires à la résolution du problème. Les trois jours s’inscrivent ensuite dans un cadre identique avec un travail individuel en fin de matinée puis un temps consacré à l’échange avec l’enseignant. L’après-midi fait place à une nouvelle séance de travail individuel puis en groupe pour finaliser le projet. Enfin, la journée se termine par une restitution commune des groupes de travail. Un groupe est alors tiré au sort et présente sa solution à toute la classe via un PowerPoint audio.

Tout au long de l’APP, les étudiants s’appuient sur un « livret étudiant » créé par les enseignants. Ce document récapitule les consignes, les étapes de l’APP ainsi que la grille d’évaluation des différents rendus attendus dont le PowerPoint et la présentation orale. L’évaluation porte notamment sur les objectifs disciplinaires, la qualité et la structure des rendus ainsi que la maîtrise du langage technique.

> Voir l'infographie : "Comment se déroule une "journée type" d'APP à distance ?" (jpeg)
 
Des outils favorisant la communication avec les enseignants, et entre étudiants
Le principal outil utilisé pour les échanges est un service de messagerie instantanée textuelle et vocale. Ses principaux avantages sont un environnement propice aux échanges, sa simplicité d’utilisation et le paramétrage de « salons de discussion » par groupe de travail, intégrant une gestion des accès par les organisateurs. Parallèlement, des salons de « restructuration » sont ouverts à toute la classe pour les moments d’échanges. Orianne Jenck et Damien Ricotier peuvent intervenir en « tuteurs volants » dans chaque salon afin d’apporter leur aide aux étudiants notamment via des supports visuels (schémas, images…).

Le rendu final pour chaque groupe de travail est réalisé sur un PowerPoint audio, remplaçant le « poster » en présentiel. Le groupe enregistre ses commentaires sur les différentes slides en amont lors du travail commun. Cela facilite le respect du temps de présentation imposé de dix minutes au total avec au moins deux slides par étudiant. Plus de problèmes de connexion, les présentations deviennent plus fluides et plus claires. L’exercice n’est pas évident, l’étudiant doit être concis, synthétique en utilisant le vocabulaire technique des matières enseignées.

« Pourquoi-pas conserver certains outils utilisés pendant le confinement pour les adapter de retour en classe ? », suggère Damien Ricotier.

La notation
Les enseignants interrogent chaque étudiant du groupe sur leur présentation et la réponse individuelle vaut la réponse du groupe. Les PowerPoint corrigés sont ensuite transmis aux étudiants via la plateforme pédagogique Chamilo.

Seul le QCM (questionnaire à choix multiples) de béton armé final a été proposé à distance, sous forme de pdf avec case à cocher. Le QCM de soutènement n’a pas été adapté au distanciel.

A savoir, la moyenne des notes des deux premières journées d’APP est similaire à celle de l’an dernier. L’implication et la motivation des étudiants sont toujours aussi forte malgré le confinement.
 

Finalement, quelles différences avec le présentiel ?

Chaque groupe d’étudiant s’organise selon ses propres méthodes, chacun prenant en charge individuellement une partie du travail, échangeant via différents outils pour la mise en commun et la réflexion collective.
L’organisation de cet APP favorise le travail d’équipe et la capacité à communiquer » nous livre Jamal, étudiant en 4e année du cursus ingénieur, spécialité Géotechnique et Génie civil de Polytech. Cette communication « numérique » entre étudiants est plus rapide qu’en présentiel du fait que tout le monde est sur le même outil », ajoute Martial, également étudiant dans cette même filière.

Les étudiants ont apprécié les temps d’échanges avec leurs enseignants, cet accompagnement leur a permis d’avancer concrètement dans la résolution du problème donné.
Damien Ricotier remarque que les questions posées par les étudiants sont nouvelles, plus pertinentes. Ils vont creuser plus loin leur réflexion et sont plus soucieux de la qualité de leur travail. Ils ont réussi à s’adapter à de nouvelles méthodes de travail à distance.

Le distanciel n’est pas toujours facile avec les problèmes de connexion, la prise en main des nouveaux outils, mais surtout l’absence de feedback.
« En présentiel, quand on est face à un groupe, on parle, on sait qu’ils nous entendent […] on voit sur leur visage qu’ils nous comprennent. Mais là chacun sur son ordinateur c’est plus compliqué » précise Orianne Jenck.
Orianne Jenck et Damien Ricotier ont remarqué un taux de présence remarquable, pas plus d’une ou deux absences sur quarante-huit élèves. De plus, l’APP est une bonne solution pour rompre l’isolement des étudiants en cette période de confinement.

L’animation de ces APP apporte malgré tout quelques contraintes supplémentaires : « Au début, ce n’est pas si évident. » confie Orianne Jenck. « Il faut trouver un moment pour s’isoler à la maison, un équilibre entre vie de famille et vie professionnelle ».

Les horaires de l’APP à distance ont permis de s’adapter à la vie de chacun, enseignants comme étudiants. Travailler en binôme est une véritable valeur ajoutée. Chacun pouvant intervenir sur les enseignements de l’autre et s’entraider dans l’organisation des cours à Polytech comme à distance.
 
>> Un conseil ? <<
« Lancez-vous, donnez-vous le droit à l’erreur, […] le contexte actuel favorise la créativité et permet l’expérimentation ! » conseille Damien Ricotier en précisant que cette expérience permet d’ouvrir son champ de vision et d’élargir sa zone de confort. Il ne faut pas oublier d’être à l’écoute des besoins, des problématiques des étudiants et d’essayer d’y répondre.
 
Mis à jour le  17 mars 2021