Politique climatique : un coup de frein mais pas un coup d'arrêt

Point de vue : Patrick Criqui
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Patrick Criqui
Patrick Criqui
Donald Trump, élu président des USA, a annoncé qu'il voulait enterrer l'accord de la COP21. Quel serait l'impact sur la politique environnementale mondiale d'un retrait des Etats-Unis ? Patrick Criqui, spécialiste du développement durable et de l'énergie, répond.
Intervenue au deuxième jour de la 22è Conférence sur le climat à Marrakech (COP 22), l'annonce de l'élection de Donald Trump a suscité les plus graves inquiétudes. Le processus enclenché après l'Accord de Paris en 2015 pourrait-il voir son élan brisé par l'arrivée au pouvoir d'un président américain ouvertement climato-sceptique ?

Politique énergétique américaine, un retour en arrière ?


Comme dans la plupart des autres domaines, la politique américaine en matière de climat et d'énergie entre dans une nouvelle ère. Ou plutôt elle va effectuer un grand retour en arrière : fin des subventions aux énergies renouvelables, retour au charbon national, développement des infrastructures pour les pétroles et gaz de schistes. Le Clean Power Plan qui constituait la pièce maîtresse de la politique de l'administration Obama a finalement peu de chances de voir le jour. Mais il faut aussi noter qu'une bonne part des politiques engagées découlait d'un processus règlementaire qui sera long à défaire. Par ailleurs, de nombreux Etats ou municipalités se sont fixé leurs propres objectifs de transition et, comme au temps de George Bush, ces politiques locales vont en partie suppléer à la défaillance de l'Etat fédéral.

La Chine, reprise du leaderchip climatique ?


Dans la négociation internationale, le couple Etats-Unis Chine avait joué un rôle décisif pour la préparation de l'accord de Paris. Pendant sa campagne, D. Trump a déclaré que la question climatique était un "bobard" inventé par les chinois pour mettre à mal la compétitivité de l'industrie américaine… La bonne entente entre les deux plus gros émetteurs mondiaux a donc du plomb dans l'aile. A priori, les Etats-Unis ne pourront sortir de l'Accord de Paris qu'après trois ans et il faudra encore un an pour que cette sortie soit effective. 3 + 1 = 4… A moins qu'ils ne sortent complètement de la Convention Cadre des Nations-Unies sur le Changement Climatique, ou encore qu’ils ne se contentent d'ignorer leurs obligations. Du côté de la Chine, on peut penser que les dirigeants sont rationnels et qu'ils ont une vision à long terme. Il n'est donc pas exclu qu'après la défection américaine la Chine reprenne le flambeau du leadership climatique, leadership que l'Europe a bien du mal à assumer depuis quelques années.

La décarbonisation continuera d'avancer ...


Enfin, le retrait américain ne peut remettre complètement en cause les dynamiques enclenchées en matière de transition énergétique. Certains pays vont sans doute en profiter pour ralentir encore le rythme, on pense à la Russie notamment. Mais cela n'empêchera pas : que les énergies renouvelables, aujourd'hui beaucoup plus compétitives, continuent à avancer ; que la pollution urbaine dans les villes d'Asie reste la meilleure raison pour sortir du charbon et développer les véhicules électriques ; enfin que les avis répétés des scientifiques entrainent la poursuite des politiques engagées dans la plupart des pays signataires de l'accord de Paris.

Certes, l'élection de D. Trump peut ralentir le processus. Mais ce n'est pas la fin de la lutte contre le changement climatique. L'élection de G. Bush avait dans ce domaine fait perdre huit ans au monde. Il faut faire en sorte que la présidence de D. Trump ne fasse perdre que quatre ans… et aux seuls Etats-Unis.
Publié le15 novembre 2016
Mis à jour le11 décembre 2017