L’exoplanète qui ne tournait pas rond

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© Denis Bajram - Creative Commons
Une équipe internationale de chercheurs dirigée par l’UNIGE, a découvert que la "planète chevelue", baptisée ainsi parce qu’elle s’évapore comme une comète, suit une orbite elliptique très spéciale, qui passe au-dessus des pôles de son étoile.
Dans l’imaginaire collectif, les planètes d’un système solaire tournent en rond autour de leur étoile, dans un même plan qui est aussi le plan équatorial de l’étoile. Cette dernière tourne également sur elle-même et les axes de rotation de l’étoile et des orbites planétaires sont alignés, donnant l’impression d’un système bien ordonné. Mais la nature est capricieuse, comme vient de le constater une équipe internationale composée de trois scientifiques français [1] et menée par des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), qui a détecté un système planétaire totalement chamboulé. Cette découverte est publiée dans la revue Nature.

GJ436 est une étoile qui a déjà fait couler beaucoup d’encre car elle possède une planète nommée GJ436b, surnommée la planète chevelue, qui s’évapore comme une comète. Dans leur dernière étude, les astronomes de l’Observatoire de la Faculté des sciences de l’UNIGE et de PlanetS ont montré qu’en plus de sa chevelure, la planète GJ436b a une orbite très spéciale : elle est "polaire". Au lieu de tourner dans le plan équatorial de l’étoile, la planète passe quasiment au-dessus des pôles de celle-ci.

L’inclinaison orbitale de cette planète, grosse comme quatre fois la Terre, est la dernière pièce d’un puzzle qui laisse perplexes les astronomes depuis dix ans : contrairement aux planètes du système solaire dont les orbites forment presque des cercles, celle de GJ436 forme une ellipse, c’est à dire que sa distance à l’étoile n’est pas la même en tout point de son orbite. "Cette planète subit d’énormes forces de marée car elle est incroyablement proche de son étoile, à peine 3% de la distance Terre-Soleil", explique Vincent Bourrier, premier auteur de l’article, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et membre du projet européen FOUR ACES [2] mené par David Ehrenreich. "L’étoile est une naine rouge dont la durée de vie est très longue, les forces de marée qu’elle induit devraient depuis le temps avoir circularisé l’orbite de la planète, or ce n’est pas le cas !"


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Une régate stellaire autour de GJ436. Les plaisanciers spatiaux parqués dans le plan équatorial de l’étoile attendent que la planète chevelue jaillisse de ce plan pour "rider" le vent planétaire à l’aide de vaisseaux kite-surfs et ainsi s’élever jusqu’au-dessus des pôles de l’étoile, offrant une vue imprenable sur l’ensemble du système et sur la mystérieuse planète perturbatrice, qui apparaît comme un point brillant en arrière-plan.

L’orbite contient l’histoire de chaque planète

Les architectures orbitales des systèmes planétaires sont des traces fossiles nous renseignant sur la manière dont ils se sont formés et ont évolué. Une planète perturbée par le passage d’une étoile proche ou l’existence d’autres planètes massives en gardera la trace dans son orbite. "Même si on a déjà vu des orbites planétaires désalignées, on n’en comprend pas forcément bien l’origine, d’autant plus qu’ici, c’est la première fois que l’on mesure l’architecture d’un système autourd’une naine rouge", ajoute Christophe Lovis, chercheur à l’UNIGE et co-auteur de l’étude. L’existence d’une planète perturbatrice inconnue, plus massive et plus lointaine, expliquerait pourquoi GJ436b ne tourne pas rond : "Si c’est vrai, alors nos calculs indiquent que non seulement la planète ne tourne pas en rond, mais qu’elle devrait se trouver sur une orbite fortement inclinée. C’est exactement ce que nous venons de mesurer !", s’enthousiasme Hervé Beust, chercheur à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble qui a réalisé les calculs orbitaux.

Ces mêmes calculs prédisent également que la planète n’a pas toujours été aussi proche de son étoile, mais s’en serait rapprochée récemment (à l’échelle cosmique). Ainsi, la "planète qui s’évapore" ne se serait pas toujours évaporée, mais aurait été poussée vers l’étoile par la gravité d’une compagne invisible. Pour Vincent Bourrier, la chasse continue : "Il ne nous reste plus qu’à identifier la planète mystérieuse qui a chamboulé ce système planétaire."

Cet article est issu d'un communiqué de presse de l’Université de Genève.

Notes
  1. De l’Observatoire des Sciences de l’Univers (CNRS/Université de Grenoble) et de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (CNRS/Université de Grenoble).
  2. FOUR ACES, Future of Upper Atmospheric Characterisation of Exoplanets with Spectroscopy, est un projet Consolidator attribué à David Ehrenreich par le Conseil européen pour la recherche (ERC) dans le cadre du programme de la Commission européenne pour la recherche et l’innovation Horizon 2020 (bourse n°724427).

Publié le19 décembre 2017
Mis à jour le3 janvier 2018