Shakila Ghoury partage les valeurs républicaines

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Shakila Ghoury © Thierry Morturier / Université Grenoble Alpes
Shakila Ghoury © Thierry Morturier / Université Grenoble Alpes
Diplômée en langue française de l’université de Kaboul, Shakila Ghoury arrive en France il y a deux ans pour fuir l’Afghanistan en guerre. Inscrite en master français langue étrangère (FLE) à l’Université Grenoble Alpes, elle a choisi de faire son stage au CUEF pour enseigner le français aux étudiants réfugiés du Diplôme d’Université (DU) Passerelle.
"Quand on ne parle pas la langue d’un pays, tout devient compliqué" explique Shakila Ghoury. Cette jeune professeure de français afghane de 30 ans accompagne au quotidien son mari arrivé en France il y a quelques mois, pour la rejoindre après plus d’un an de séparation. Son parcours immigratoire emprunte à la fois à la filière "classique" des études à l’étranger comme au parcours du combattant des demandeurs d’asile politique. Shakila est consciente de sa différence. Elle a pu poursuivre des études universitaires dans un pays qui ne scolarise pas la majorité de ses jeunes filles au secondaire. À son entrée à l’université, elle a choisi d’étudier le français, une langue totalement nouvelle pour elle. "Je voulais apprendre une autre langue" explique-t-elle. Un véritable challenge puisqu’elle se retrouve au milieu d’étudiants ayant tous déjà étudié le français. Ce choix audacieux va, de façon inespérée, être le moteur d’un projet d’avenir pour sa famille.

Apprendre dans la difficulté

Plutôt que de revenir sur la pénibilité de la vie dans un pays perpétuellement en guerre, Shakila préfère raconter les obstacles rencontrés sur le chemin de l’apprentissage du français. À Kaboul, les étudiants débutants sont mélangés aux diplômés d’écoles francophones : le niveau est forcément inégal, et pénalise les premiers. Elle était débutante... Mais motivée. Ce qui lui permet de valider les deux premières années, et même de pouvoir prendre une place d’enseignante vacataire au lycée français de la capitale afghane dès sa troisième année universitaire. Apprendre aux autres le matin, apprendre soi-même le soir : le double profil se dessine dès lors. Il se consolide, son diplôme en poche. Elle donne des cours de Français tous niveaux pendant deux ans, mais a encore besoin d’un master pour valider son statut professoral. D’où le choix du master FLE à l’Université Grenoble Alpes, à distance dans un premier temps, puis en régime présentiel pour plusieurs semaines en 2016. Son mari et son jeune fils restent à Kaboul. Mais en Afghanistan, quelques mois plus tard, on ne rentre déjà plus. Shakila doit rester en France. Ce n’est qu’après plus d’un an de séparation que sa famille finit par la rejoindre fin 2017, sous statut de réfugiés politiques.

S’adapter

L’adaptation à la vie en France n’a rien eu d’évident pour elle. Enlever son foulard, faire la bise à des hommes inconnus, participer librement à des conversations sur tous les sujets, accomplir des démarches administratives incompréhensibles... "En Afghanistan, il n’y a aucun papier !" explique-telle. Son premier séjour linguistique, quatre mois à Paris en 2010 ? "Très fatigant" sourit- elle ! Elle choisit de faire son stage de master au sein du DU Passerelle, qui accueille des étudiants réfugiés pour des sessions d’apprentissage intensif du français. Son projet pédagogique avec les étudiants réfugiés est soutenu par la Fondation UGA qui lui attribue une bourse. Elle donne des cours de langue, leur apprend la prononciation, l’orthographe, mais aussi les habitudes françaises, les "valeurs républicaines" si différentes. Liberté, laïcité, démocratie, l’interculturalité n’a rien d’évident. Tout son travail universitaire se concentre sur le sujet de l’intégration, désormais. Il y a tellement à créer, à améliorer, à optimiser dans l’accueil des réfugiés en France, en particulier pour leur apprendre à communiquer, nécessité première de la vie quotidienne... Accompagner son mari, qui ne pratique que l’anglais, dans un environnement cent pour cent francophone, est à la fois terriblement chronophage mais aussi riche d’enseignements pour Shakila. Alors, elle se fait la porte-parole de ceux qui en sont privés pour réclamer plus de structures pour enseigner le Français, avec des moyens et outils pédagogiques adaptés aux spécificités culturelles et linguistiques des demandeurs d’asile...

L’avenir ? Peut-être interprète au sein d’une organisation internationale.


Publié le13 septembre 2018
Mis à jour le19 septembre 2018