Doctorat Honoris Causa : quatre personnalités de la communauté scientifique distinguées

Recherche
le  13 décembre 2019
Cérémonie Doctorat Honoris Causa
Cérémonie Doctorat Honoris Causa
Grenoble INP a honoré quatre personnalités scientifiques en leur décernant le vendredi 13 décembre 2019 le doctorat Honoris Causa*, le plus haut titre honorifique que puisse décerner un établissement d’enseignement supérieur. Ce titre rend hommage à l’excellence des récipiendaires dans leur domaine et à leur parcours d’exception.
Ont ainsi été mis à l’honneur :

Roberta Bongiovanni

Professeure au Politecnico di Torino, Department of Applied Science and Technology Italie)

Après des études au lycée plutôt tournées vers les sciences humaines, le latin et le grec, Roberta Bongiovanni se décide à explorer le monde des sciences. Poussée par la curiosité, elle s’inscrit en licence scientifique, puis au master de chimie de l’université de Turin. En 1981, l'école d'ingénieurs de Turin était très populaire, les sciences appliquées l'attiraient, mais elle redoutait la forte sélectivité de l’école et de l'environnement fortement masculin, avec un nombre d'étudiantes inférieur à 1%.

Après sa licence, elle choisit le master de chimie de l'Université de Turin. Une fois son diplôme en poche, elle est embauchée par l'industrie (laboratoires de recherche centraux de la compagnie pétrolière nationale ENI SpA). En 1988 se présente alors pour elle l’opportunité de passer un an en Angleterre. C’est là, à Bristol, qu’elle découvre le monde des interfaces et des surfaces. Elle décide de poursuivre ses études par une thèse à l’Université de Bristol et de se consacrer à la recherche académique dans le monde universitaire.

Après un séjour au département de chimie analytique de l'Université de Turin en tant que post-doctorante dans le cadre du plan de recherche sur la santé finalisé de la région du Piémont, en 1992, elle rejoint le Politecnico di Torino où elle est actuellement professeur ordinaire de chimie. Depuis lors, son activité scientifique porte sur la chimie des polymères, avec un intérêt particulier dans l'évaluation de la relation entre la structure et les propriétés de ces matériaux et dans la modification de surface de matériaux.

Au départ guidée par sa curiosité, Roberta Bongiovanni comprend peu à peu que la science permet de contribuer à la préparation d’un meilleur avenir pour les générations futures. En outre, la recherche est pour elle une voie idéale pour trouver le bonheur dans son travail. Et comme le disait Primo Levi, chimiste et écrivain né à Turin, "si l'on exclut les moments prodigieux et individuels que le destin peut nous donner, aimer son travail (qui est malheureusement le privilège de quelques-uns) est la meilleure approximation concrète du bonheur sur terre : mais c'est une vérité que peu de gens savent".

Denis Dochain

Professeur à l'Université catholique de Louvain au Centre d'ingénierie des systèmes et de mécanique appliquée - CESAME (Belgique)

Après avoir suivi un cursus d’ingénieur en électricité dans le but initial de faire une carrière en électronique dans le milieu industriel, Denis Dochain a l’opportunité de réaliser son stage de fin d’études en automatique. Plus précisément, le sujet portait sur la modélisation et la commande d’un procédé de biométhanisation de fientes de volaille. Très attentif aux questions environnementales et sensibilisé aux problématiques de traitement des eaux usées et des déchets par des amis ingénieurs agronomes, il se lance dans l’aventure. C’est là qu’il débute son activité dans le domaine des systèmes réactionnels (chimiques et biologiques). Suivant les traces de son scientifique de père, et comme le feront plus tard deux de ses quatre fils, il se lance ensuite dans une thèse de doctorat.

Il réalise sa carrière sur la modélisation, l’analyse et la commande des systèmes réactionnels, et plus précisément les systèmes chimiques (tels qu’on les rencontre dans l’industrie de procédés) et les systèmes biologiques. Les applications de ces derniers touchent les domaines agro-alimentaire, pharmaceutique ainsi que l’environnement (traitement des eaux usées), l’écologie (écologie microbienne), et la croissance des plantes (via au départ le projet MELISSA de l’ESA).

Le traitement des eaux usées est et reste le fil conducteur de la carrière de Denis Dochain. Aujourd’hui, il intervient au sein du projet MOCOPEE piloté par le SIAAP, syndicat qui gère le traitement des eaux usées de Paris et sa banlieue. Ses activités de recherche dans ce domaine se déclinent autour de deux thématiques : les systèmes à paramètres répartis (décrits par des équations aux dérivées partielles) et le lien entre thermodynamique et théorie des systèmes. La thermodynamique, à laquelle il voue un intérêt particulier depuis ses études, est en effet au cœur de la notion d’énergie des systèmes réactionnels, et l’énergie est centrale dans la théorie des systèmes.

Jose Roberto Cardoso

Professeur à l'Ecole polytechnique de l'Université de São Paulo - EPUSP (Brésil)

Issu d’un milieu modeste, José Cardoso est né dans le sud du Brésil, dans la petite ville de Marilia où ses parents sont arrivés très jeunes pour travailler. Quand il a trois ans, sa famille quitte la petite ville pour s’installer en périphérie de São Paulo, qui offrait plus d’opportunités.

Lorsqu’il a 12 ans, une ligne de transmission est construite derrière la maison familiale. Chaque jour après l'école, le jeune garçon reste des heures à assister à la construction des pylônes et au ballet incessant des ouvriers travaillant sur le chantier. Pendant des vacances, il fait une rencontre décisive : grâce à l’intervention de son père, sensible à sa curiosité, il rencontre le responsable du chantier. Avec une grande patience, ce dernier lui explique la construction dans ses moindres détails, et le renseigne sur la fonction d'élément de transfert d'énergie électrique de la ligne depuis la source d'alimentation jusqu’aux consommateurs. Il découvre alors les concepts élémentaires d'énergie, de tension, de courant électrique, d'effort mécanique… Cette rencontre marque un tournant dans sa vie, lui donnant le goût des sciences et l’envie de devenir d'ingénieur électricien.

Il commence à travailler tôt, lit des biographies qui le stimulent et l’inspirent comme celles de Thomas Alva Edison, Galileu Galilei, Isaac Newton, André Ampère et bien d'autres. Il réalise son rêve et entre à l’École polytechnique de l'Université de São Paulo dont il est diplômé en 1974, avant d’entamer un doctorat sur l’étude d’une méthode des éléments finis pour l'électromagnétisme, un sujet très nouveau en génie électrique. Seuls deux publications étaient disponibles sur le sujet à l’époque, dont une de Jean-Claude Sabonnadière et Jean-Louis Coulomb du Laboratoire d’électrotechnique de Grenoble (LEG). Jean-Claude Sabonnadière, dont il a l’occasion de suivre les cours lors d’un séjour de ce dernier à Sao Paulo, et à qui il demande de l’accueillir dans son laboratoire grenoblois pour un post-doctorat. Avec succès ! A son retour, il créé le laboratoire d’électromagnétisme appliqué du LMAG.

Il l’avoue lui-même : travailler avec Jean-Claude Sabonnadière, Jean-Louis Coulomb, Gérard Meunier et beaucoup d'autres a été l’une des périodes les plus enrichissantes de sa vie. José Cardoso dédit son titre de docteur Honoris Causa à Jean-Claude Sabonnadière.

David Embury

Professeur à McMaster University, department of Materials Science and Engineering (Canada)

De 1950 à 1957, David Embury a fréquenté une école secondaire au Royaume-Uni et a eu la chance d'assister à une conférence de J.W. Christian, professeur en métallurgie, qui l'a encouragé à étudier cette science à l'université plutôt que la physique comme il l'avait initialement prévu.

Lors de ses études en métallurgie à l'université de Manchester, il est fasciné par les processus de plasticité et les transitions de phase. Il se lance dans une thèse à l'Université de Cambridge pour étudier ces sujets plus en détail.

Après son doctorat qu’il termine en 1963, il passe un certain temps dans l'industrie sidérurgique aux États-Unis, où il commence à s'intéresser au développement de matériaux ultra-résistants, notamment de fil d'acier perlitique étiré. Il décide de poursuivre une carrière universitaire et se voit proposer un poste à l'Université McMaster Hamilton Canada où il passe la suite de sa carrière dans l'enseignement et la recherche sur les matériaux métalliques. Actif dans de nombreux domaines de la science et de l’ingénierie des matériaux, David Embury a développé ses recherches à l’interface entre les matériaux et la mécanique et a formé de très nombreux chercheurs. Ses travaux ont obtenu une reconnaissance internationale récemment reconnue par la 2015 Acta Materialia Gold Medal.

Au cours de sa carrière, il a développé de solides collaborations internationales avec des chercheurs de nombreux pays, dont la France, la Norvège, Begium, le Brésil et les États-Unis. Il a passé de nombreuses périodes en tant que professeur invité dans ces pays et a eu le plaisir d'accueillir de nombreux étudiants dans son groupe de recherche au Canada. Au cours des six dernières années, il a été professeur invité à l'Université de la Colombie-Britannique pendant une courte période chaque année.
 
Note :

* Le doctorat honoris causa est la marque de distinction la plus élevée remise par une université française depuis le XVIIe siècle à une personnalité d'exception. Il est décerné à des « personnalités de nationalité étrangère en raison de services éminents rendus aux arts, aux lettres, aux sciences et techniques, à la France ou à l’établissement qui décerne le titre » (extrait du décret n° 2002-417 du 21 mars 2002).



 
Publié le  20 décembre 2019
Mis à jour le  7 janvier 2020