Dépistage du Covid-19 : un nouveau modèle pour évaluer l’efficacité des tests groupés

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le  4 mars 2021
Tests RT-PCR en laboratoire © Shutterstock
Tests RT-PCR en laboratoire © Shutterstock
Comment déterminer l’efficience d’une stratégie de dépistage du virus SARS-CoV-2 utilisant des tests groupés - autrement dit le fait de regrouper les prélèvements issus de plusieurs individus pour n’effectuer qu’un seul test RT-PCR sur l’ensemble ? Pour ce faire, des scientifiques du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Université Sorbonne Paris Nord (1) ont développé un modèle évaluant l’efficacité de ces tests. Leur étude, théorique, prend en compte l’effet de dilution et les limites de détection du test RT-PCR afin d’évaluer le nombre de faux négatifs potentiels en fonction de la taille de l’échantillon regroupé, d’optimiser la taille des groupes pour minimiser un risque épidémique, et de mieux déterminer le nombre de personnes contaminées dans une population donnée. Elle est publiée le 4 mars 2021 dans PLOS Computational Biology.
Mathématiquement, le principe des tests groupés est simple : plutôt que de tester cent prélèvements (un par individu), on peut rassembler ceux-ci en dix groupes de dix et réaliser un test pour chacun des groupes formés. Si le résultat du test d’un échantillon groupé est positif, alors au moins un des prélèvements du groupe contient l’agent infectieux. Inversement, un résultat négatif devrait indiquer, en principe, qu’aucun des prélèvements mélangés ne contient l’agent infectieux.

Moins coûteuse, plus rapide, cette méthode peut conduire à un résultat faussement négatif si le mélange induit une dilution telle que la quantité de virus dans l’échantillon testé devient inférieure à la limite de détection du test. Pour évaluer l’efficacité d’un dépistage s'appuyant sur une stratégie de tests groupés, un physicien et deux mathématiciens (2) membres de la plateforme MODCOV192 ont mis au point un modèle mathématique estimant cet effet de dilution selon la taille du groupe d’échantillons. Ce modèle permet ainsi de quantifier la réduction de la sensibilité des tests et donc la capacité de tests groupés de plus ou moins grande taille à détecter la présence d’un individu contagieux.

Contrairement aux méthodes qui visent à minimiser le nombre de tests nécessaires pour établir un diagnostic individuel du ou des individus contaminés, la question centrale de la publication porte sur l’optimisation d’une stratégie de dépistage collective : comment optimiser la taille des groupes afin de dépister un nombre maximum d’individus tout en limitant le risque de faux-négatifs ?

Les auteurs présentent également une méthode d’estimation précise de la proportion d'individus infectés dans la population testée (appelée la prévalence) pouvant guider l’application de mesures de prévention du risque épidémique.

Selon leur étude, les tests groupés seraient particulièrement intéressants pour évaluer rapidement et régulièrement la présence du SARS-COV-2 dans des communautés "fermées" (type Ehpad ou résidence universitaire). Ce type de tests a par exemple été mis en œuvre dans plusieurs institutions de recherche dans le monde, dont les 64 campus de la State University of New York (États-Unis), l’université de Liège en Belgique, ou encore l’université de Nottingham (Royaume-Uni), et ils ont permis une identification précoce de foyers épidémiques naissants.


Pooling

Pooling dans un cadre scolaire / universitaire : des prélèvements de salive ou de nez d'élèves partageant une même classe / une même résidence étudiante sont réunis dans un seul tube; le statut virologique du mélange est évalué par un seul test moléculaire (RT-qPCR ou RT-LAMP). Un test positif indique qu'au moins un individu est infecté par le CoV2-SARS, ce qui permet de prendre des mesures précoces pour endiguer une épidémie. L'opération de dépistage peut être répétée régulièrement. © Jean-François Rupprecht, Centre de physique théorique (CNRS / Aix-Marseille Université / Université de Toulon).

Notes
  1. Au Laboratoire Jean Kuntzmann (CNRS/Université Grenoble Alpes), au Laboratoire analyse, géométrie et applications (CNRS/Université Sorbonne Paris Nord) et au Centre de physique théorique (CNRS/Aix-Marseille Université/Université de Toulon).
  2. La plateforme MODCOV19 a été mise en place en mars 2020 par l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions du CNRS, afin d'aider à la coordination des actions de modélisation en France, autour des multiples facettes de la crise. En savoir plus
Publié le  5 mars 2021
Mis à jour le  5 mars 2021