Les babouins produisent des vocalisations analogues aux voyelles

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Image in situ des babouins enregistrés © Caralyn Kemp et Julie Gullstrand / Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS / AMU)
Image in situ des babouins enregistrés © Caralyn Kemp et Julie Gullstrand / Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS / AMU)
C’est ce qu’ont mis en évidence des chercheurs du laboratoire Grenoble images parole signal automatique, du laboratoire de psychologie cognitive et du laboratoire d’anatomie de l’Université de Montpellier grâce à des analyses acoustiques de vocalisations.
Grâce à des analyses acoustiques de vocalisations, couplées à une étude anatomique des muscles de la langue et à une modélisation des potentialités acoustiques du conduit vocal des singes, des chercheurs du laboratoire Grenoble images parole signal automatique (Gipsa-Lab - CNRS / Grenoble INP / Université Grenoble Alpes), du Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS / AMU) et du Laboratoire d'anatomie de l'Université de Montpellier ont découvert que les babouins pouvait produire des vocalisations analogues aux voyelles. Publiées dans PLOS ONE le 11 janvier 2017, les données confirment que les babouins sont capables de produire au moins cinq vocalisations ayant les propriétés des voyelles, malgré un larynx élevé, et qu'ils sont capables de les combiner lorsqu'ils communiquent avec leurs partenaires. Les vocalisations des babouins préfigurent ainsi un système de parole chez les primates non humains. 

Le langage : une caractéristique distinctive de l’espèce humaine

Ses origines et son évolution sont des questions scientifiques des plus difficiles à résoudre. L'une des théories dominantes dans ce domaine associe la possibilité de produire des sons différenciés, base de la communication parlée, à "la descente du larynx" observée au cours de l'évolution de l'Homo sapiens. Cette théorie considère que la parole humaine nécessite un larynx en position basse (par rapport aux vertèbres cervicales) et qu'un larynx en position haute, comme c'est le cas pour les babouins (Papio papio), empêche la production d'un système de vocalisations analogue à celui des voyelles existant dans toutes les langues.

D'après cette théorie, seuls les humains âgés de plus d'un an peuvent produire des sons différenciés alors que les bébés, l'Homme de Neandertal et tous les singes en sont incapables car leur larynx est en position trop haute. Des chercheurs du Gipsa-lab avaient déjà montré que la position haute du larynx des bébés et des hommes de Neandertal n'est pas un handicap pour produire des voyelles différentes, mais il restait à apporter la preuve que les singes, notamment les babouins, arrivaient bien à produire ce type de vocalisations.

"Vowel-like" ou sons comparables aux 5 voyelles

Les chercheurs ont analysé acoustiquement les vocalisations des babouins, procédé à une étude anatomique des muscles de leur langue et modélisé le potentiel acoustique de leur conduit vocal. Ils ont ainsi découvert que ces babouins produisent des sons comparables aux cinq voyelles humaines [i æ a o u]. Les chercheurs appellent ces sons des "vowel-like", car ils partagent certaines caractéristiques acoustiques des voyelles, sans en avoir toutes les propriétés.

Ils montrent en outre que chacune des deux vowel-like [a] et [u] est utilisée dans deux vocalisations distinctes, produites en fonction des situations, et que les babouins peuvent également produire une séquence de ces deux vowel-like avec la vocalisation "whaou". Ce protosystème se combine avec des fréquences de vibration des cordes vocales dans une gamme de fréquence nettement plus étendue que celle de la parole.

Cette démonstration chez les primates non-humains d'un proto-système vocalique confirme qu’ils peuvent produire des vocalisations différentes malgré un larynx élevé. Bien que les singes ne produisent pas de sons de parole, les données suggèrent des liens évolutifs entre les vocalisations des babouins et les systèmes phonologiques humains. Plus généralement, les langues parlées auraient pu évoluer à partir d'anciennes compétences articulatoires déjà présentes chez notre dernier ancêtre commun Cercopithecoidae, il y a environ 25 millions d’années.

Ces travaux ont été menés grâce à une étroite collaboration de nombreux spécialistes du Gipsa-Lab (CNRS / Grenoble INP / Université Grenoble Alpes), du Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS / AMU), du Laboratoire d’anatomie de l’Université de Montpellier, du Laboratoire parole et langage (CNRS / AMU), et du New College de l’université d’Alabama. Ils ont été soutenus par le Labex Brain & Language Research Institute (BRLI).

Publié le12 janvier 2017
Mis à jour le10 février 2017